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iota. On sentait, de part et d’autre, très nettement, à Berlin comme à Paris, cette nécessité inéluctable et l’on ne pouvait par-là considérer que comme une question de temps le recours aux argumens suprêmes. Sans l’action de M. de Bismarck, et nonobstant la dépêche d’Abeken, Les négociations se seraient terminées à l’amiable, non seulement à cause des événemens d’Ems, mais parce que l’on se montrait de divers côtés, en France, disposé à laisser l’épée au fourreau. »

Schultze, discutant pas à pas dans un remarquable écrit d’honnête homme et d’historien les documens et faits incontestés, établit mieux que personne « que la candidature Hohenzollern a toujours eu le caractère antifrançais que Bismarck lui a contesté et que, s’il était non amical vis-à-vis de la France de poursuivre cette affaire en elle-même, la manière dont Bismarck le fit témoigne d’une intention préméditée d’en brusquer le dénouement, et que, dans ces jours de juillet, Bismarck manœuvra résolument et obstinément pour amener la guerre, que l’affaire Hohenzollern a été un piège tendu à Napoléon pour l’abattre. La politique Hohenzollern a été pour Bismarck un moyen de poursuivre une politique d’action contre la France. Dans la conception de la candidature Hohenzollern, Bismarck a été l’agresseur qui sait bien dès le commencement que, selon toute prévision, cette affaire conduira à la rupture, et qui, dans la dernière phase, a amené cette rupture, d’une façon entièrement préméditée, et en toute connaissance de cause. »


X

Il ne serait cependant pas loyal de faire dire aux historiens et aux critiques allemands plus qu’ils n’ont dit. Ils ont constaté que Bismarck avait voulu la guerre, non pour l’en blâmer, mais pour lui en faire une gloire : sans doute il a tout déterminé, tout provoqué, mais c’est en cela qu’a éclaté son génie ; son offensive tactique n’a été que le moyen de prévenir l’offensive stratégique préparée par Napoléon III. Il connaissait par les révélations de Bernhardi, et par celles, plus sûres encore, de ses agens autrichiens ou italiens, les projets de triple alliance, débattus depuis 1869 entre les Cabinets de Paris, de Vienne et de Florence. « A chaque pas en avant de la préparation à cette alliance correspond un pas nouveau fait par lui dans