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cette fois un acte libre des représentans de la Nation. À cette demande de 50 millions, nous joignîmes un premier projet de loi autorisant des engagemens volontaires limités à la durée de la guerre. Ainsi les jeunes gens qui aimaient le champ de bataille et détestaient la caserne ne seraient pas découragés dans leur élan patriotique par la crainte de rester deux ans sous les drapeaux après la paix. Un second projet de loi appela à l’activité toute la garde mobile. Le maréchal, en vue de ne pas grossir les dépenses et de ne pas compliquer la préparation, avait limité cet appel à la garde mobile des départemens plus directement menacés, Plichon insista pour qu’il s’étendît à toute la garde mobile de tous les départemens et le Conseil lui donna raison.

Avant d’entrer à la Chambre, je m’arrêtai chez Gramont aux Affaires étrangères. J’y trouvai Benedetti, arrivé le matin. Nous l’interrogeâmes minutieusement ; il ne nous apprit rien de nouveau sur ce qui s’était passé à Ems et confirma, sans y ajouter, les détails circonstanciés de ses dépêches et de ses rapports. Sur ce qui s’était passé à Berlin, sur la machination de Bismarck, il ne savait absolument rien. L’entendre en Conseil n’eût donc été d’aucune utilité. Du reste, beaucoup plus que de la guerre, il était préoccupé d’un article du Constitutionnel, de Léonce Dupont (Rénal), ayant déjà quelques jours de date, qui lui reprochait de n’avoir pas prévenu son gouvernement de la candidature Hohenzollern. Déjà, au milieu des négociations d’Ems, il avait employé la moitié d’un télégramme à nous demander « de dire en quelques mots qu’il avait plusieurs fois signalé les démarches faites en vue de la candidature. » Nous n’avions pu lui donner satisfaction, car si, en 1869, il nous avait avertis, il n’avait rien deviné, en 1870, au moment décisif. Sans égard aux pensées qui assiégeaient mon esprit, il revint sur ce thème avec une importunité fatigante, et je dus cesser de méditer sur la lutte imminente pour essayer, en me rendant à pied à la Chambre en sa compagnie, de lui faire comprendre que, ne m’occupant pas des attaques dirigées contre moi, — et, certes, ses amis ne me les épargnaient pas, — il ne pouvait exiger que je m’occupasse à réfuter celles, justes ou injustes, dont il était l’objet.