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REVUE LITTÉRAIRE

LES PREMIERS ÉCRITS DE FLAUBERT

Flaubert s’était promis que si un jour il affrontait l’opinion, ce serait armé de toutes pièces. Il se tint parole. Il entra dans la littérature avec un chef-d’œuvre, et qui devait rester son chef-d’œuvre. Le public, qui la veille ignorait le nom de l’écrivain, put croire que c’était le soudain jaillissement d’un génie heureux. Nul parmi les lettrés ne partagea cette opinion saugrenue. Il n’est pas besoin d’une grande connaissance du métier pour comprendre qu’une telle perfection a dû être achetée au prix d’un long labeur et de multiples tâtonnemens. Madame Bovary ne pouvait être que l’aboutissement de toute une série d’essais, à travers lesquels le romancier peu à peu a pris conscience de son talent et précisé son esthétique. Cette lente formation que l’auteur a eu la coquetterie de nous dissimuler, l’historien des lettres veut la connaître. Il y attache d’autant plus d’importance quand il s’agit d’un écrivain laborieux entre tous et dont l’art est plus qu’un autre réfléchi et volontaire. De là vient l’intérêt que présentent les premiers écrits de Flaubert : ils nous font assister au curieux et instructif apprentissage d’un maître.

Nous en possédions déjà quelques-uns. Les Mémoires d’un fou parurent il y a neuf ans à la Revue blanche. Le récit du voyage en Bretagne a été publié, en partie, dans les œuvres de Flaubert sous le titre de Par les champs et par les grèves. On y a joint quelques fragmens et une liste de titres. Cela ne donnait qu’une idée assez faible du labeur de Flaubert. Par bonheur, plusieurs publications récentes viennent de ramener l’attention sur le sujet et ont vivement éclairé la