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La politique des États-Unis depuis la guerre d’Espagne donnait lieu, dans les Républiques sud-américaines, à de vives critiques et de sérieuses appréhensions. Sans doute, en accomplissement de leur promesse, le 20 mai 1902, le drapeau étoilé avait été remplacé, sur le palais du gouvernement à La Havane, par le pavillon à l’étoile solitaire de la République cubaine et les troupes américaines avaient évacué l’île. Mais les Etats-Unis n’avaient pas abandonné Cuba entièrement à elle-même. Ils avaient exigé de l’Assemblée constituante qu’elle acceptât des engagemens leur reconnaissant le droit d’intervenir pour rétablir l’ordre en cas de nécessité, et ils s’étaient fait autorisera organiser deux bases navales dans l’île. En dépit des apparences, Cuba, quoique libre, était sous le protectorat sinon actif, du moins latent, des Etats-Unis. Leur attitude à l’occasion de l’incident vénézuélien, à la fin de 1902, avait donné lieu aussi à des interprétations peu favorables.

Le Venezuela, se refusant à cette époque à procéder au règlement de dettes dues depuis plusieurs années déjà à des Allemands et à des Anglais, l’Allemagne et l’Angleterre décidèrent de recourir à une démonstration navale. Avant d’agir, ces puissances avaient donné l’assurance à Washington qu’elles n’envisageaient ni l’acquisition, ni l’occupation permanente d’une partie quelconque du territoire vénézuélien. Le gouvernement américain s’était contenté de cette déclaration. Très habilement, la République Argentine, qui aspire à jouer dans l’Amérique du Sud un rôle prédominant, et redoute l’influence que pourraient y acquérir les Etats-Unis, saisit l’occasion pour prendre la défense des petites puissances. Le ministre des Affaires étrangères, M. Luis M. Drago, appelant l’attention des États-Unis sur le péril dont se trouvaient menacées la paix et la sécurité du Nouveau-Monde par suite de l’attitude prise par les grandes puissances envers le Venezuela demanda leur appui pour faire reconnaître « le principe que la dette publique ne peut provoquer l’intervention armée, ni, encore moins, l’occupation matérielle du sol des nations américaines de la part d’une puissance d’Europe. » N’était-ce pas, demandait M. Drago, une conséquence logique de la doctrine de Monroe ? Le gouvernement américain se borna à accuser réception de la note, sans discuter la doctrine émise, mais il s’employa de son mieux pour faire cesser le blocus des côtes vénézuéliennes. Cet incident était