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En quoi consiste le programme et quelle est, au juste, la portée pratique de cet hellénisme, en tant que formule d’expansion nationale, c’est ce qu’il est bien difficile de préciser. Comme celles des Jeunes-Syriens, les espérances des Jeunes-Hellènes sont soumises à des conditions si nombreuses, elles dépendent d’éventualités si peu probables ou si lointaines, qu’on serait tenté de les reléguer dans la région des chimères. Ce qu’il y a de certain, c’est que, dans ces pays mixtes de l’Empire ottoman, où ils ne seront jamais en majorité, les Hellènes peuvent espérer sinon une prépondérance politique, du moins une influence proportionnée à leur richesse, à leur activité et à leur culture. Les plus avisés et les plus prudens semblent limiter leur rêve pan-helléniste à ce résultat déjà très beau. C’est en ce sens qu’ils travaillent. L’actuel royaume de Grèce étant le meilleur foyer de l’hellénisme, il importe d’accroître le plus possible la puissance de ce foyer et son intensité de rayonnement. Les Grecs fortunés ou cultivés s’y emploient avec un zèle et un dévouement qui réclament toute notre admiration. Je ne connais rien de plus touchant et même de plus héroïque que l’effort persévérant de ce petit peuple, qui non seulement ne veut pas mourir, mais qui tient à s’affirmer en face du monde comme l’héritier et le continuateur d’une grande nation.

Sitôt enrichis, ils se révèlent les plus fastueux des Mécènes ; quand, à Londres, à New-York, à Marseille ou à Paris, ils ont drainé vers leurs coffres l’or de l’étranger, immédiatement ils songent aux besoins de la Patrie hellénique. Tel banquier lui offrira le cadeau d’un canon ou d’un cuirassé ; tel autre fera construire une route à ses frais, percer un boulevard, élever un musée, un monument public. Ils se disputent l’honneur de contribuer de leurs deniers à une œuvre quelconque d’utilité ou d’embellissement. Ces bienfaiteurs nationaux, — ces Evergètes, comme on les appelle, — sont connus et célèbres dans tout l’Orient. Mais ils ne le sont pas assez en France, où nous aurions profit à méditer leur exemple. Ce que nous ignorons trop surtout, c’est l’énergie et l’ampleur de leur propagande scolaire, comme aussi l’importance nationale de l’Église grecque orthodoxe. Le prêtre et le maître d’école sont les meilleurs agens de l’hellénisme. L’unité du culte et de la langue liturgique entretiennent, à travers tout l’Empire ottoman, le sentiment de l’unité hellénique ; et, d’autre part, l’école fournit au patriotisme