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c’est autour d’elle que se préparerait le retour offensif au Rhin. »

Que de fois en quelques heures j’ai répété ces raisonnemens, jusqu’à m’épuiser, à ceux qui s’empressaient autour de moi, avec l’espérance de me convaincre ! Les autres membres du ministère, en communication habituelle avec la presse, bataillaient non moins énergiquement. Seul, Gramont continuait à part son dialogue avec Benedetti. A huit heures et demie du soir, il lui télégraphiait : « Ainsi que je vous l’avais annoncé, le sentiment public est tellement surexcité, que c’est à grand’peine que, pour donner des explications, nous avons pu obtenir jusqu’à vendredi. Faites un dernier effort auprès du Roi ; dites-lui que nous nous bornons à lui demander de défendre au prince de Hohenzollern de revenir sur sa renonciation ; qu’il vous dise : « Je le lui défendrai, » et vous autorise à nous l’écrire, ou qu’il charge son ministre ou son ambassadeur de me le faire savoir, cela nous suffira. J’ai lieu de croire que les autres Cabinets d’Europe nous trouvent justes et modérés. L’empereur Alexandre nous appuie chaleureusement. Dans tous les cas, partez d’Ems et venez à Paris avec la réponse, affirmative ou négative… » Quelques instans après la rédaction de cette dépêche, lui arrivait la preuve qu’il s’illusionnait sur les sentimens favorables de l’Europe, dont il envoyait l’assurance à Benedetti. A huit heures et demie, il recevait un courageux avertissement de Saint-Vallier. « Toute nouvelle insistance de notre part auprès de la Prusse serait maintenant regardée, dans l’Allemagne du Sud, comme une preuve de vues belliqueuses et accréditerait l’opinion qu’on répand que l’affaire Hohenzollern est pour nous un prétexte et que nous voulons la guerre. La renonciation déplace la situation ; ceux qui nous approuvaient nous blâment, et notre position devient mauvaise si nous réclamons d’autres garanties. Nous pouvions espérer, dans ce conflit, la neutralité du Sud (quelle erreur ! ) : il n’y aurait plus à y compter aujourd’hui. L’opinion ne nous est plus favorable, même chez les anti-prussiens, on dit que nous voulons la guerre pour échapper à des embarras intérieurs ; nos déclarations pacifiques, bien accueillies, il y a deux jours, ne trouvent plus aucune créance ; M. de Varnbuhler est désespéré ; l’accueil froid et évasif, qu’il avait fait hier matin à la communication prussienne, vient de faire place à une attitude sympathique. Le langage des agens diplomatiques nous devient contraire. « L’ami Beust lui-même faisait savoir à Gramont « qu’il