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saurait reprendre avec lui la discussion relative aux assurances qui devraient être données pour l’avenir ; il consentait à donner son approbation entière et sans réserve au désistement du Prince ; il ne pouvait faire davantage. » C’était un troisième refus d’audience dont Benedetti aurait fort bien pu nous épargner le désagrément.

Le télégramme, signé par Abeken, était rédigé d’accord avec Eulenbourg et Camphausen, les instrumens de Bismarck. Il constitue une première falsification très grave de la vérité telle qu’elle est constatée par les rapports de Radziwill. J’ai été agréablement surpris de voir cette circonstance capitale, à laquelle n’a point pris garde la légèreté de nos écrivains français, relevée par la critique historique allemande : « La dépêche d’Abeken ne donne pas du tout l’image exacte des événemens, dit Rathlef. Elle apparaît déjà comme une aggravation parce qu’elle ne met pas en lumière ce qu’il y avait de bienveillant dans l’attitude du Roi, parce qu’elle ne dit rien des divers envois de l’adjudant et des diverses propositions qu’il avait eu à soumettre, et surtout parce qu’elle fait supposer que le Roi avait rejeté, en bloc, toutes les demandes de la France, tandis que, sur trois d’entre elles, il en avait admis deux. Il n’avait rejeté que la troisième des demandes, celle de garanties, sans même exclure, toutefois, la possibilité d’une négociation ultérieure à Berlin. » De plus, le télégramme disait faussement que l’ambassadeur avait eu l’inconvenance d’arrêter le Roi sur la promenade, c’était le Roi qui était allé vers l’ambassadeur. Cette falsification était encore aggravée par la faculté donnée à Bismarck de décider si la nouvelle prétention de Benedetti et le refus qui lui a été opposé devaient être communiqués aux ministres, à l’étranger et à la presse. Cette autorisation de publicité constitue un acte d’improbité diplomatique. Il est, en effet, d’une règle incontestée, consacrée par une tradition constante, qu’aussi longtemps que dure une négociation, le secret de ses péripéties doit être scrupuleusement gardé. Nous nous étions conformés à cette règle tutélaire : nous n’avions parlé publiquement à la tribune, le 6 juillet, que parce qu’on nous avait refusé la négociation à Berlin et à Madrid ; depuis que le Roi nous l’avait accordée à Ems, nous refusions de répondre aux interrogations réitérées qui nous étaient adressées dans les Chambres.

Le Roi avait repoussé la demande de garanties, c’était son