Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Werther ne modifia donc nullement l’attitude du Roi vis-à-vis de Benedetti : n’eût-il pas existé, notre ambassadeur n’aurait pas été reçu. Son arrivée même ne produisit pas le seul effet qu’on en pouvait redouter : elle ne changea pas les formes polies de l’aide de camp envoyé à notre ambassadeur, à ce point que Benedetti ne soupçonna pas cet incident. La publication des documens diplomatiques lui fit seule connaître plus tard ce rapport qu’il a si peu honorablement exploité.


V

À deux heures, l’aide de camp Radziwill se rendit auprès de Benedetti, non pour l’appeler auprès du Roi comme celui-ci le lui avait promis la veille, mais pour lui apprendre que la lettre attendue du prince Antoine était arrivée à une heure. C’était un premier refus d’audience. Radziwill exposa que la lettre du prince Antoine annonçait à Sa Majesté que le prince Léopold s’était désisté de sa candidature à la couronne d’Espagne : par-là Sa Majesté considérait la question comme terminée. En remerciant le Roi de cette communication, Benedetti fit remarquer qu’il avait invariablement sollicité l’autorisation de transmettre, avec le désistement du prince, l’approbation explicite de Sa Majesté ; il dit en outre qu’il avait reçu un nouveau télégramme qui l’obligeait à insister sur le sujet dont il avait eu l’honneur d’entretenir le Roi dans la matinée ; qu’il se voyait dans la nécessité, avant d’adresser à son ministre les informations que Sa Majesté voulait bien lui donner, d’être fixé sur ces deux points, et qu’il sollicitait une audience afin de recommander encore une fois le vœu du gouvernement français. Le Roi lui fait répondre par son aide de camp (3 heures) qu’il avait donné son approbation au désistement du prince dans le même esprit et dans le même sens qu’il avait fait à l’égard de l’acceptation de la candidature, qu’il l’autorisait à transmettre cette déclaration à son gouvernement ; quant à l’engagement pour l’avenir, il s’en référait à ce qu’il avait lui-même notifié le matin. C’était un second refus d’audience. Malgré ce refus, Benedetti insiste pour un dernier entretien, « ne fût-ce que pour s’entendre répéter par Sa Majesté ce qu’elle lui avait dit. » Et sans attendre une nouvelle réponse du Roi, il télégraphie à Gramont celle qui venait de lui être apportée (3 h. 45).