Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Américains de leur suite, qui avaient cru pouvoir se hasarder dans les rues de la ville, furent criblés d’œufs et de fruits pourris. Telle fut la visite à Canton de la fille du président Roosevelt et de son futur successeur.

A quelque temps de là, le consul des Etats-Unis à Chang-Haï ayant imprudemment déclaré que le boycottage était inspiré moins par un sentiment patriotique que par l’intérêt de quelques négocians, un jeune étudiant cantonais, pour protester, à la manière chinoise, contre une telle calomnie, se suicida. On sait toute l’importance que prend, dans l’Empire du Milieu, une pareille manifestation. Dès que la nouvelle est connue à Canton, elle excite un enthousiasme délirant ; un immense meeting s’organise ; 200 000 personnes avec des bannières portant des inscriptions à la louange du suicidé et à la confusion des Américains défilent devant un catafalque dressé dans la maison du défunt (17 novembre). Le surlendemain, une cérémonie funèbre est célébrée en l’honneur de l’étudiant martyr de son patriotisme ; les écoles sont fermées, le commerce suspendu, une foule hurlante réclame l’élargissement des étudians arrêtés pour avoir affiché des placards injurieux contre miss Roosevelt et M. Taft.

La violence de ces incidens détermine les négocians cantonais, dont les intérêts souffraient du boycottage, à accepter une conférence où ils discuteraient avec des commerçans yankees les moyens d’amener un apaisement. Voici le programme préparé par le Comité des guildes pour la conférence : il est significatif :

1° Etablir les droits imprescriptibles de l’homme.
2°Pourquoi sont institués les gouvernemens ?
3° Quelle est la cause du boycottage ?
4° Desiderata des Chinois.
5° Idées des Américains à ce sujet.
6° Comment rendre effective l’entente si elle s’établit.
7° Rédaction des procès-verbaux signés par les parties.
8° Programme des réunions futures.

On devine que, sur les deux premiers articles, le débat fut assez confus ; on entendit de paisibles négocians, dans leur zèle à fonder sur des principes absolus le droit, pour leurs compatriotes émigrans aux Etats-Unis, à un traitement plus équitable, émettre les aphorismes les plus révolutionnaires ; les Américains leur opposèrent l’inassimilabilité de la race jaune. Une pareille discussion n’était pas de nature à ramener le calme : le boycottage