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pétrole. Les Américains étaient aussi pour la Chine d’excellens cliens ; leurs achats, en 1904, se montaient à 30 994 500 Haïkouan-taëls contre 21 514 000 en 1893, ils consistaient en peaux, opium, laine, nattes et surtout soies et thé. De 1898 à 1903, le mouvement de la navigation entre les Etats-Unis et la Chine avait plus que doublé. Mais les Yankees, zélés partisans de la « porte ouverte » chez les autres, ne se font pas faute de fermer la leur, soit par des droits de douanes, soit par des règlemens sur l’immigration. On sait qu’ils mettent, à l’entrée des coolies chinois dans les Etats de l’Ouest, des restrictions très sévères. Au moment de l’Exposition de Saint-Louis, des Chinois de distinction qui se rendaient aux Etats-Unis furent arrêtés, traités comme des coolies, violentés, mensurés. Le patriotisme chinois renaissant jugea humiliantes et vexatoires de telles mesures d’exception contre la race jaune. Dans cette Union Nord-américaine, si accueillante aux Européens, l’homme jaune était traité en paria ; une élite de Chinois, pénétrés de la grandeur et de l’antiquité de leur civilisation nationale, imbus des principes égalitaires de la philosophie occidentale, s’indignèrent d’une telle situation et résolurent d’exiger pour leurs compatriotes un traitement plus équitable ; et, comme le gouvernement des Etats-Unis se refusait à toute concession, ils cherchèrent les moyens de l’y contraindre : le boycottage des marchandises américaines traduisit leurs colères et leurs espérances.

Le 10 mai 1905, dans un meeting tenu à Chang-Haï, le boycottage des marchandises américaines est décidé. En quelques jours le mot d’ordre est transmis aux principaux ports de l’Empire. Tous les témoins de ces incidens ont été frappés de la soudaineté du mouvement et de la rapidité avec laquelle il s’est généralisé. Les boutiques qui vendent des articles américains sont mises à l’index, des affiches engagent le public à n’acheter aucun produit venant des Etats-Unis, les négocians annulent leurs commandes, les corporations de portefaix refusent de travailler au déchargement des bateaux venant d’Amérique. Les journaux, qui dirigent le mouvement nationaliste et réformiste en Chine, mènent la campagne et, prêchant d’exemple, refusent d’insérer la publicité des maisons américaines. Les étudians, dont beaucoup ont vécu et étudié à l’étranger, se signalent par l’intransigeance de leur xénophobie et se font les propagandistes de l’anti-américanisme. Mais, étudians et journalistes sont