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frissonner leur cœur, c’est la symphonie surtout qui les émut d’un frisson nouveau.


I

Nous avons dit : l’opéra symphonique de Wagner. Ce n’est pas tout à fait cela, ou plutôt ce n’est pas cela seulement. L’œuvre de Wagner est le sommet du genre. Mais plusieurs degrés y conduisent, et nous devons les gravir.

Le premier fut taillé dans le marbre italien, et Monteverde est le nom qu’il y faudrait inscrire. Dès le début du XVIIe siècle, l’opéra vient à peine de naître dans un salon de Florence, et d’y naître, — nous l’avons vu naguère, — monodique et récitatif, que déjà la symphonie, ou l’orchestre, s’y introduit. Monteverde est l’auteur de cette introduction et s’il est vrai, comme on le dit communément, que la variété des sons, le timbre, soit le coloris de la musique, il est naturel aussi que le don lui en ait été fait par un maître vénitien. L’orchestre de Monteverde, d’après les indications que porte la partition de l’Orfeo, ne comprend pas moins de trente-six instrumens. De plus, on voit apparaître, dans l’œuvre du musicien d’Orphée et du Couronnement de Poppée, l’expression dramatique et sentimentale, autrement et plus brièvement dit, l’ethos de l’orchestre. Monteverde passe pour avoir employé le premier ce moyen et produit cet effet, le tremolo, que trois siècles ne devaient point user et dont Wagner lui-même, en de pathétiques momens, n’a pas dédaigné de se servir. Monteverde a tenté davantage. Par exemple, au second acte d’Orphée, la scène change et représente les Enfers. Aussitôt l’orchestre lui-même se renouvelle. « Ici, lisons-nous, font leur entrée les trombones, les cors ; au contraire les violes et les petits orgues de bois gardent le silence. » Plus loin, un violon accompagnera le monologue d’Orphée d’une sorte de concerto ou d’improvisation éperdue, et nous trouverons encore en cette rencontre, à défaut des leitmotive, un essai de ce qu’on pourrait nommer les leitinstrumente, les instrumens conducteurs. Saisir les rapports de l’âme, ou du sentiment et de la passion, non plus, comme on venait de le faire à Florence, avec le récitatif ou le chant, mais avec les sonorités orchestrales, tel paraît bien avoir été le dessein de Monteverde. Anathèmes ou railleries, ses contemporains ne négligèrent aucun moyen de