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eux vingt ans auparavant et lui étaient restés fidèles depuis lors, l’avaient trahi cette fois et quand la session s’ouvrit, son absence, cruellement sentie par les siens, causa une impression pénible à ses adversaires eux-mêmes. Ce fut seulement au bout de quelques semaines que le leader, repêché par une circonscription de la Cité, reprit sa place sur le premier banc de l’opposition. Mais le parti unioniste n’était pas au bout de ses épreuves. Peu après, la retraite de M. Chamberlain le privait du plus puissant et du plus redouté de ses orateurs. Pendant plusieurs mois, la marée radicale battit son plein ; puis elle demeura étale, puis elle commença à descendre. D’où vient ce prompt retour de l’opinion qui venait de se prononcer, d’une façon si peu équivoque, en faveur des adversaires de M. Balfour ? De la même cause qui, en 1895, aurait pu compromettre le succès des unionistes et qui avait été alors conjurée par l’habileté de leurs chefs. Ce bloc amorphe et inorganique, cette majorité de janvier 1906, nommée sur un programme purement négatif, avait voulu donner satisfaction à tous les élémens dont elle se composait Les mesures qu’elle a proposées à cette fin n’ont pas toujours satisfait les intéressés, mais elles déplaisaient visiblement aux groupes voisins et produisaient de l’irritation dans le pays. Tandis que M. Redmond et ses amis rejetaient, sans même la discuter, la loi de Dévolution, la Chambre des Lords mettait à néant la loi scolaire, la loi qui désorganisait la propriété en Ecosse et la loi sur les cabarets. Et quand la majorité radicale faisait mine d’entamer une campagne contre la Chambre héréditaire, elle s’apercevait que le bon sens public était avec les Lords et que nul n’était disposé à la suivre. L’échec retentissant des candidats socialistes aux élections provinciales et municipales avait été un premier avertissement ; les échecs répétés des radicaux aux élections partielles en ont constitué un plus sérieux encore. Même sur la question vitale du libre-échange, des symptômes d’hésitation et de désagrégation se sont produits récemment dans la majorité. Il n’est donc point impossible que les élections de 1911 ou de 1912 présentent un aspect entièrement opposé à celles de 1906 et que le piano de M. Balfour rentre triomphalement à Downing-Street.

Il n’y rapportera pas seulement son piano, mais un double programme de défense et d’action dont les articles sont connus d’avance, à ce point qu’on peut, sans avoir aucune prétention