Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/937

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour M. Lang, peut bien n’être que des légendes, ou plutôt des erreurs de témoins aveuglés par leur enthousiasme ; et il se peut aussi que tous ces faits, ou une partie d’entre eux, soient vrais, nous étant affirmés de telle sorte qu’on ne saurait les rejeter péremptoirement « sans rejeter les fondemens mêmes de l’histoire. » Mais le seul de ces « prodiges » qui ait une réelle importance historique est celui qu’on appelle « le secret du Roi. »

Le témoin principal, ici, est Jeanne elle-même. Sans cesse, durant toute la marche de son Procès, nous l’entendons répéter qu’elle a transmis au Dauphin une « communication secrète » qui lui venait de ses Voix ; et sans cesse, également, avec cette obstination et ce courage tranquilles qui lui sont propres, elle se refuse à rien dévoiler du mystère dont elle atteste, sous serment, la réalité. Pressée de questions, elle recourt à toute sorte d’allégories et de métaphores, s’amuse à jouer sur les paroles des interrogateurs, mais toujours finit par déclarer qu’elle a promis à ses Saintes de ne pas divulguer le « secret du Roi, » aussi longtemps que vivra celui-ci. Encore son témoignage, si digne de foi qu’il doive nous apparaître dans ces circonstances, est-il loin d’être le seul, ni le premier, à nous apprendre l’existence du célèbre « secret. » Voici ce que nous raconte, à ce sujet, le biographe anglais :


Dès le 22 avril 1429, le bruit courait que la Pucelle avait promis de lever le siège d’Orléans et de conduire le Roi à Reims pour y être sacré, en révélant d’autres choses encore « que le Roi gardait strictement secrètes. » Cette information nous est donnée, à la date susdite, par un officier employé au service de Charles de Bourbon ; et c’est là, pour nous, la première allusion contemporaine du « secret du Roi. » Suivant Jeanne, ce secret a été le motif qui a décidé Charles à la prendre au sérieux. Son confesseur Pasquerel rapporte qu’elle lui a avoué le sens général de la communication faite par elle au Roi : « Je vous déclare, de la part de Dieu, que vous êtes le véritable héritier de France et fils du défunt Roi ! » Discours qui, à lui seul et sous cette forme, n’aurait guère suffi à lui valoir la confiance du Dauphin : mais Jeanne a dit à ce dernier quelque chose de plus. Dans une lettre de la fin de juillet, attribuée au poète Alain Chartier, nous lisons : « Quant aux paroles qu’elle a dites au Roi, nul ne les connaît. Mais on a pu constater que le Roi, en les entendant, a été grandement réconforté et encouragé. » Aussi bien une lettre écrite de Bruges à Venise, le 9 juillet 1429, annonçait-elle que « la Pucelle avait révélé au Dauphin un secret, que personne ne pouvait connaître, sauf lui-même et Dieu. » Voilà, évidemment, pourquoi Charles a pris au sérieux cette paysanne travestie, qui lui arrivait de sou village lorrain sans qu’il sût rien d’elle !…

Et pour ce qui est de la nature du « signe » secret apporté au Roi par