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sa chambre. Jacqueline, il est vrai, n’avait pas treize ans, quand elle le composa :


Voyez la bonté de Madonte :
Son œil, qui n’a point de pareil,
Ne veut pas souffrir le soleil
De crainte de lui faire honte.


La phraséologie sentimentale de l’époque fait aussi trop souvent les frais de cette poésie, et si Cathos et Madelon ont lu les Stances pour une dame amoureuse d’un homme qui n’en savait rien, soyons sûrs qu’elles s’en sont pâmées d’aise. Voiture, Benserade, Scudéry et sa sœur, voilà le groupe auquel tout naturellement s’apparente Jacqueline, et Benserade en personne a riposté galamment à la pièce que nous venons de rappeler. Sainte-Beuve n’a donc pas eu tort, ce semble, en parlant de Jacqueline poète, de dire qu’« elle aurait pu devenir en littérature une mademoiselle de Scudéry, et mieux. » Et pourtant, cela suffît-il entièrement ? Suffit-il même d’ajouter que ces vers « marquent beaucoup de facilité et de bel esprit ? » Çà et là, ne voyons-nous pas poindre, parmi tous ces madrigaux et ces épigrammes, quelque vers de vrai poète :


Sacré refuge du silence ?


Ailleurs, par la fermeté de la langue et la sobre plénitude du mouvement, cette poésie de cour ne nous rend-elle pas comme un écho du grand Corneille :


Grand Dieu, je te conjure avec affection
De prendre notre reine en ta protection,
Puisque la conserver, c’est conserver la France !


Et n’est-ce pas encore du Corneille, — M. Strowski l’a déjà finement observé, — que ces Stances contre l’amour, où la jeune poétesse de dix-sept ans accable de son fier dédain les faiblesses et les surprises de la sensibilité, et les range impérieusement sous la loi de la « vertu » et de la « raison : »


Amour, quitte cet arc dont tu nous veux combattre…
Tes Toux sont sans effet et tes flèches sans force,
Quand le cœur a goûté d’une plus douce amorce,
Et lorsque la vertu se le peut asservir