Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

civilisation, qu’il ne peut demander ni à l’Hellade héroïque, ni à l’impériale Byzance. Ainsi s’explique l’amour des Grecs pour notre langue et pour notre culture. Athènes, tête et cœur de l’hellénisme, en même temps que capitale du petit royaume, est un centre de culture française. Si justement fiers de leur langue que soient les Grecs, ils font volontiers, à côté d’elle, une place à la nôtre dans leurs écoles. Et comme les Grecs débordent de tous côtés la Grèce, comme ils sont restés ou redevenus les habituels intermédiaires entre l’Occident et l’Orient, ils ont transporté, avec eux, le goût et l’usage du français sur tous les rivages du bassin oriental de la Méditerranée.


III

Si, des petits États chrétiens, nous passons dans les provinces demeurées à la Turquie, la prédominance de notre langue n’y est pas moins bien établie. Sa suprématie n’a cessé de s’affirmer durant tout le cours du XIXe siècle, à tel point qu’aujourd’hui, à Salonique comme à Constantinople, à Smyrne comme à Beyrouth, si nous avons des rivaux anglais, allemands, italiens, russes, dont les écoles se dressent en face des nôtres, ils sont souvent contraints, pour attirer des élèves, de leur enseigner, eux aussi, le français. De même, pour retenir leurs lecteurs, les journaux en langues étrangères, tels que le Levant Herald ou la Turchia ont dû faire au français, dans leurs colonnes, une place qui tend à devenir prédominante. En vérité, sur les rives du Bosphore, on se demande à quoi bon s’ingénier, comme les propagateurs de l’ « espéranto, » à forger une langue artificielle aux sons barbares et aux pauvres flexions monotones, quand, à ce confluent des races d’Orient et d’Occident, notre claire langue française sert déjà d’idiome international à toutes les races d’Europe et d’Asie.

Cette hégémonie du français, établie et fortifiée sous le régime absolu d’Yldiz-Kiosk, va-t-elle être ébranlée par la révolution turque, c’est-à-dire par l’avènement au pouvoir des disciples et des imitateurs de l’Occident ? Cela est d’autant moins vraisemblable que les promoteurs de la révolution ottomane sont pour la plupart nos élèves, qu’au lieu d’en avoir honte, ils proclament, loyalement, que c’est, en notre langue, dans nos universités de France, dans nos collèges ou nos écoles d’Orient, dans