Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à prendre dans les affaires européennes mérite à ce nouvel organe national du royaume de Saint-Etienne toute notre attention. C’est un grand honneur pour notre langue de servir d’interprète entre la Hongrie et l’Europe ; aussi faisons-nous des vœux pour le succès durable de la jeune Revue de Hongrie. Ce n’est point du reste la seule façon dont les Hongrois et les Hongroises manifestent leur goût pour le français. Comme autrefois, il est resté ou redevenu la langue des salons et du grand monde. Et l’intérêt éclairé que portent les Hongrois à notre langue et aux choses de France, nous serions ingrats de ne pas reconnaître qu’il s’étend, le plus souvent, à la France et aux Français eux-mêmes. La bienveillance de l’accueil qu’ils nous font en leur beau pays n’en est pas la seule preuve ; ils nous en ont donné un témoignage public, au printemps de 1908, lors de l’inauguration du monument élevé par eux, à Pecz, aux soldats français tombés en Hongrie, durant les guerres du premier Empire.


On ne saurait s’attendre à rencontrer, en de petits États aussi jeunes et aussi éprouvés que la Serbie et la Bulgarie, la même culture française que dans la riche et aristocratique Hongrie. Serbie et Bulgarie ne sont pas seulement des pays neufs, nés ou renés tardivement à la vie nationale, et dont la récente indépendance est encore incomplète ou précaire ; ce sont, presque également, des nations plébéiennes, des Etats de paysans au fond desquels la haute culture occidentale n’a pu encore jeter de profondes racines. A travers toutes leurs difficultés présentes, malgré trop de causes manifestes d’infériorité vis-à-vis de leurs voisins de Hongrie ou même de Roumanie, ils ont un avantage précieux, en notre âge de démocratie, celui d’être des peuples de paysans propriétaires. Avantage considérable pour l’avenir de ces Slaves du Sud, mais qu’ils paient aujourd’hui de l’absence d’une couche cultivée ancienne.

N’ayant ni vieille noblesse, ni nouvelle et riche bourgeoisie, c’est à peine si, aujourd’hui même, ils possèdent une haute classe. Chez eux aucune aristocratie d’aucune sorte. « L’intelligence, » comme ils disent à l’imitation des Russes, les intellectuels, dirions-nous, qui forment la tête de la nation ne font guère qu’émerger des masses populaires ; comment auraient-ils cette culture raffinée, traditionnelle et héréditaire, qui se rencontre souvent chez leurs frères de Russie ou leurs voisins de Hongrie et de