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moins de cent années, s’étaient assis à la table académique, planait sur elle et suffisait à la glorifier. Et depuis Napoléon, sans que l’uniforme palmé de vert dont l’avait doté l’Empereur y fût pour rien, l’Académie n’a cessé de grandir ; mais les gens de plume ont grandi plus encore, et assez pour se pouvoir passer d’elle, s’il plaisait à l’envie démocratique de la supprimer comme une aristocratie importune.


VII

A la fin de l’histoire des revenus, appointemens, bénéfices et honoraires, une question se pose, qui ne rentre pas dans l’objet spécial de cet article, puisqu’elle intéresse l’ensemble des travailleurs et des capitalistes ; mais les lecteurs de la Revue me permettront de la traiter ici, parce qu’elle forme le complément des études précédemment publiées sur ceux que j’ai qualifiés de « riches. » Richesse très relative, ai-je dit[1], puisqu’elle consiste à dépenser annuellement plus de 2 500 francs par famille. Mais puisque l’on admet que les recettes globales des Français montent à 27 milliards de francs, et qu’il existe sur notre territoire 11 millions de « feux, » 2 500 francs par an constituent la moyenne de ce qui reviendrait à chacun de ces ménages si l’on partageait exactement entre eux la masse des salaires et des revenus. La plupart des journaliers ruraux ne gagnent pas moitié de ce chiffre, nombre d’ouvriers parisiens le dépassent ; quel que soit d’ailleurs leur état social, ceux qui disposent d’une somme supérieure à 2 500 francs ne forment pas plus du cinquième de la nation.

Les salaires ayant triplé et quadruplé depuis un siècle, tandis que le coût de la vie doublait à peine et pour beaucoup de chapitres, tels que le blé, ne haussait pas, nul ne conteste que le bien-être des salariés ne soit deux fois plus grand. Peu importe, répondent les dévots de l’égalité, que les ouvriers aient vu croître leur salaire, si les capitalistes ont vu croître davantage leur fortune ; peu importe que les pauvres soient devenus moins pauvres, si en même temps les riches sont devenus plus riches ; si la distance entre eux n’a pas varié, si même l’écart a grandi

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1906, page 619.