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et familier. Il exclut, d’une part, sauf de rares exceptions, les termes d’argot, les locutions trop grossières, et toujours la vulgarité gauche et sans grâce ; il exclut aussi, d’autre part, les expressions ou poétiques ou abstraites ou trop spéciales, hormis en quelques passages d’un caractère particulier. Le fonds dont il se sert communément est celui du langage courant, mais sous la réserve d’un certain choix et d’une sorte d’épuration. Il a d’ailleurs le goût des termes propres, il évite la périphrase et la métaphore, il nomme les choses par leur nom. Un vocabulaire ainsi constitué est éminemment clair et naturel. C’est sa qualité essentielle et c’est peut-être aussi son défaut. On pourrait y désirer, au moins ça et là, quelque chose de plus personnel, des tons plus chauds, plus de hardiesse, des locutions ou des termes plus savoureux. Nous avons affaire à un atticisme un peu dépouillé. C’est un vin très pur, qui a gardé sa finesse, mais qui s’est légèrement décoloré. Ce langage, par-là même, est un peu celui de tout le monde. Il représente, d’une manière générale, celui qui devait être parlé alors à Athènes par quiconque n’était ni barbare ni incurablement grossier. Mais il ne faudrait pas, cependant, en exagérer l’uniformité. Les meilleurs connaisseurs, dans l’antiquité, y distinguaient bien des nuances qui ne nous échappent pas non plus[1]. L’homme emporté aura chez lui des mots âpres et durs, injurieux ou même bas, dont il ne se servirait pas, s’il était maître de lui. Certains caractères insociables se distingueront par la brutalité habituelle de l’expression ; le langage d’un Smikrinès sera rude et malsonnant ; celui des esclaves conversant entre eux comportera même, çà et là, certaines crudités vives ; ils auront des expressions à eux, d’une familiarité plus négligée, et qu’un homme bien élevé, un Charisios par exemple, n’emploierait pas. Ainsi, bien qu’assez restreint en somme, ce vocabulaire est loin d’être monotone ; il se prête, par l’effet d’un savoir-faire achevé, à faire sentir bien des diversités. Plus tard, au temps de l’Empire, il devait même donner matière, à cause de cela, à la critique des grammairiens puristes ; car ceux-ci, ne reconnaissant pour véritablement attique que ce qu’ils lisaient chez les meilleurs auteurs, étaient scandalisés de tous les emprunts que ce poète de la vie familière avait faits à la langue parlée. Il n’en est pas moins vrai que, comparé à celui

  1. Cette variété dans l’uniformité a été bien notée, en particulier, par Plutarque dans sa Comparaison d’Aristophane et de Ménandre, § 2.