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ne représentât une bande joyeuse, un cortège aviné qui venait chanter et danser en l’absence des acteurs[1]. Etrangers à l’action, ces danseurs y mêlaient néanmoins un élément de gaieté turbulente, peut-être aussi de mimique amusante et expansive, dont il faut tenir compte pour apprécier l’effet total de la représentation.

A travers les actes eux-mêmes, se mouvaient avec liberté les créations du poète. L’indépendance des scènes, dans la succession logique et dramatique qui les unit, est souvent frappante. Bien qu’elles se tiennent entre elles et se rattachent nettement au plan général, chacune a presque toujours sa valeur propre. Il n’y en a point d’insignifiantes. En donnant directement au public les explications nécessaires, ainsi que nous l’avons remarqué plus haut, le poète s’affranchissait de certaines exigences gênantes qui l’auraient obligé à charger son drame d’entretiens peu animés. Il se débarrassait des difficultés qui auraient entravé son génie, et il lui assurait ainsi un jeu plus franc et plus vif.

Le dialogue, chez lui, n’a pas, il est vrai, et ne pouvait avoir, en raison de la différence des genres, la fantaisie étincelante de celui d’Aristophane. Il ne recherche, bien entendu, ni les mots à effet, ni les drôleries bouffonnes, ni les surprises qui font éclater le rire. Il procède bien plutôt de celui d’Euripide. Mais il s’en distingue naturellement par l’enjouement et la familiarité. Il évite d’en imiter de trop près la condensation subtile et l’acuité ; il a, comme le genre comique l’exige, quelque chose de plus libre et de plus détendu. Ce qu’il en a gardé, c’est la finesse, l’agilité, la jolie adaptation des réponses aux questions, la souplesse élégante et délicate. Ces qualités se concilient avec un air de simplicité et quelquefois de négligence, une sorte de laisser aller apparent, auquel il ne faut pas se laisser tromper. On s’aperçoit vite, en y regardant de près, qu’il y a beaucoup d’art dans ce naturel.

Le mouvement, il est vrai, n’en est jamais réglé par les habitudes de symétrie que la tragédie avait toujours conservées. Chacun dit tour à tour ce qui convient à son rôle, à son humeur, à son dessein, à la circonstance présente. Nous n’y rencontrons pas de ces échanges de pensée, en quelque sorte rythmés, où l’attaque et la riposte se succèdent en courtes phrases également

  1. Ce point a été surtout élucidé par les études de A. Kœrte, F. Léo, E. Bethe.