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vagues revues, pochades, proverbes ou « à-propos, » représentés quelques soirs devant des rampes lointaines et ignorées. Négligeons 4 000 d’entre eux qui ne sont proprement que des amateurs et touchent ensemble une centaine de mille francs par an, soit 25 francs par tête, — il en est dont les droits annuels ne s’élèvent qu’à 1 fr. 75, — et voyons comment se répartissent, entre les 300 sociétaires et les 200 aspirans bénéficiaires d’un minimum de 500 francs par an, les millions encaissés par la corporation, déduction faite de la part des veuves, enfans et autres héritiers des membres défunts.

Sur 500 auteurs vivans, 7 ont touché en un an plus de 100 000 francs, 8 ont reçu de 50 000 à 100 000 francs, 27 de 20 000 à 50 000, 28 de 10 000 à 20 000, 40 de 5 000 à 10 000, enfin 390 ont reçu de 500 à 5 000 francs. En résumé, une dizaine d’auteurs se partagent le premier tiers, une trentaine le second, et 460 le troisième tiers.

Aux sommes distribuées par la Société s’ajoute le total inconnu des droits recueillis sur des scènes étrangères avec qui nos compatriotes ont directement traité. On retrouverait chez nos voisins et au-delà de l’Océan les bizarres caprices de la foule, qui font la vogue ou la chute des œuvres dramatiques dans leur pays d’origine. Tel drame, à peu près ignoré en France, a produit plus d’un million de droits en Amérique ; telle comédie, qui a ravi les Parisiens, échoue en Angleterre et donne 85 000 fr. de droits aux Etats-Unis. Question de traduction parfois ou d’interprétation ; question de mentalité aussi : l’ « action » voyage mieux que la « psychologie » ou le « dialogue, » et ceux dont la prose voyage mal ont de quoi se consoler en songeant qu’ici la « valeur d’exportation » ne pèse que… dans la balance du commerce.

Mais nous observons en cette profession libérale le même phénomène que dans les autres, où les temps modernes ont accru l’inégalité et exalté les privilèges d’une élite. Nous le remarquerons encore pour les 7 000 artistes dramatiques ou lyriques. Nous ne comparerons pas les pensionnaires actuels de nos théâtres de musique aux chantres que les seigneurs féodaux entretenaient dans leurs châteaux, ni aux maîtrises des cathédrales gothiques, dont le « ténoriste » gagnait au XVe siècle de 200 à 650 francs par an, plus le logement. Le premier chantre de chapelle d’Anne de Bretagne avait 2800 francs d’appointemens (1498) et