Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement à l’auteur, l’une 4 083 francs, l’autre 4 852 francs, parce que l’une et l’autre ne furent jouées que treize fois.

Pour un acte en vers libres, Molière à la nouvelle salle (1782), La Harpe touchait 460 francs par jour, mais pendant quinze jours, pas davantage. Et peut-être était-ce tout ce qu’un semblable à-propos pouvait prétendre ; mais des œuvres qui fournissent 1 000 et 1 100 francs par soirée comme le Séducteur, comédie en cinq actes du marquis de Bièvre, ou la traduction du Roi Lear par Ducis, ne dépassent pas, la première quatorze, la seconde dix-huit représentations. On les reprend trois ou quatre fois l’année suivante et leur carrière est terminée. Un succès médiocre correspondait à sept représentations pour Macbeth ou à trois pour Roméo et Juliette (1783-1784), avec des droits de 800 ou de 700 francs par séance. De nos jours un accueil assez tiède aux Français correspond, pour un dramaturge connu, au même taux moyen de 800 francs par séance, mais qui se multiplie quarante ou cinquante fois ; parce que le public curieux de nouveautés est dix fois plus nombreux que sous Louis XVI.

Un succès d’argent sans précédent au XVIIIe siècle fut celui du Mariage de Figaro, donné soixante-treize fois en 1784, qui valut à Beaumarchais 89 000 francs de droits ; soit 1 220 francs par représentation, chiffre, même de nos jours, plutôt exceptionnel. Mais aujourd’hui, une vogue équivalente à celle du Mariage de Figaro se traduirait par 500 représentations et par plus d’un million de droits, perçus tant à Paris qu’en province et à l’étranger.


V

Ce n’est donc ni à leur groupement syndical, ni à la gestion habile et énergique de leurs intérêts, que les auteurs dramatiques doivent l’accroissement de leurs gains, mais à ce fait que leur clientèle s’est grandement étendue et enrichie depuis cent vingt ans : les abonnés de l’Opéra en 1778 étaient au nombre de 112 et payaient ensemble 280 000 francs, — aujourd’hui 1 700 000 ; — la somme encaissée en un mois d’hiver de l’année 1783 était de 47 000 francs avec un maximum de 5 200 francs. Le maximum actuel est de 23 000 francs et la moyenne de 16 800. Les recettes annuelles des Français ont peu augmenté, mais à côté d’eux