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certain de rendre un service inestimable à l’Europe pour le maintien de la paix[1]. » Il invita son ambassadeur à Madrid, Layard, « en s’abstenant d’employer un langage de nature à offenser le gouvernement espagnol, à user de toute pression sur lui afin qu’il abandonnât le projet de conférer le trône au prince Léopold[2]. »

Ces conseils, en réalité, étaient donnés dans l’intérêt de la Prusse plus que dans le nôtre. Granville, quoique personnellement incliné vers la France, subissait l’influence des prédilections allemandes de la Reine. Quant à Gladstone, ses sentimens étaient absolument prussiens. L’un et l’autre considéraient la grandeur de la Prusse comme un intérêt britannique. Ils redoutaient la guerre par un sentiment de philanthropie sincère, mais aussi parce qu’ils craignaient qu’elle ne nous fût trop favorable. C’est ce que confirme le témoignage de l’ambassadeur prussien Bernstorff[3] : « Lorsque le vote plébiscitaire eut donné sa majorité à l’Empire, on considéra à Londres, qu’à l’intérieur sa situation était consolidée pour longtemps. Bernstorff et son épouse eurent l’occasion d’entendre dire de nouveau, dans les cercles anglais les plus aristocratiques et les plus influens, que, tout en accordant beaucoup d’estime au génie et à l’habileté de Bismarck, ainsi qu’à la valeur de l’armée prussienne, les capacités de Napoléon comme homme d’Etat et la valeur de l’armée française devaient être prisées bien davantage. »

Une argumentation risquée de Gramont faillit arrêter cette intervention anglaise. Il avait dit à Lyons que nous avions commencé des préparatifs de guerre, quoiqu’en réalité, nous n’en eussions fait aucun : il espérait ainsi exciter les craintes du Cabinet anglais et rendre plus vive son action. Le résultat contraire fut sur le point de se produire. « Le Conseil se demanda s’il était utile de continuer à chercher une solution amicale, alors que les faits parlaient plus haut que l’exhortation pacifique et s’il ne fallait pas attendre un peu plus de calme pour que la voix des amis pût se faire entendre. » Les explications de La Valette firent disparaître cette hésitation.

  1. Granville à Layard, télégramme du 7 juillet.
  2. Im Kampfen für Preussens Ehre, p. 618.
  3. La Valette, 9 juillet 1870.