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s’accomplissent machinalement, celle de la respiration par exemple : si elles s’arrêtent, ne serait-ce qu’un moment, sa vie même est menacée. On trouverait facilement des fonctions analogues dans le corps social et l’administration postale en fournirait une. La circulation qu’elle assure est indispensable à la vie de la collectivité : aussi tous les gouvernemens qui se sont succédé ont-ils mis une grande énergie d’expression à refuser le droit de grève à son personnel. Il s’est établi dans les esprits, nous ne savons trop pourquoi, une sorte de corrélation entre le droit de se mettre en grève et celui de s’organiser en syndicat : aussi tous les gouvernemens ont-ils refusé aux employés des postes le droit de se syndiquer. Mais ils leur ont reconnu celui de s’associer. S’associer, se syndiquer, n’est-ce pas au fond la même chose, et l’un ne peut-il pas conduire à la grève aussi bien que l’autre ? À cette question l’événement vient de faire une réponse topique. Nous nous en consolerions si cette expérience avait fait comprendre à ceux qui nous gouvernent, parlement et ministère, la puérilité de certaines distinctions ; mais nous ne l’espérons guère. On continuera très probablement de dire à la tribune qu’associations et syndicats sont choses très différentes, et les ouvriers ou les fonctionnaires continueront d’en tirer les mêmes effets pratiques. Un pays est bien malade lorsqu’il vit de mots au lieu de réalités, et surtout lorsqu’il s’applique à cacher les réalités avec des mots. Quoiqu’ils ne soient qu’associés, les postiers ont marché tout de suite vers la grève ; ils s’y sont précipités ; et cependant nous ne sommes pas sûr qu’ils l’aient distinctement entrevue et résolument voulue dès le premier moment. Ils ont commencé par faire de simples manifestations, — c’est le mot dont ils se sont servis eux-mêmes, — dans l’espoir qu’elles suffiraient à leur faire obtenir gain de cause. Ces manifestations consistaient à se rendre à leur travail, mais à se croiser les bras devant des appareils auxquels ils ne touchaient pas : quand un chef passait, ils y portaient une main indolente qui retombait aussitôt dans l’inertie. Devant ces manifestations, qui n’étaient pas encore au-dessus de son courage, le gouvernement n’a pas cédé. Alors les meneurs ont parlé de grève ; le mot a couru, l’idée s’est répandue, des meetings se sont réunis. Le gouvernement a tenu bon encore. Il a même pris une mesure qui semblait indiquer de sa part une résolution très ferme : il a suspendu par un décret nouveau le décret ancien qui ne lui permettait de prononcer des révocations qu’après avoir traduit les délinquans devant le conseil de discipline. Il aurait certainement mieux valu ne pas faire ce décret de circonstance, puisqu’il devait rester lettre morte. Rien de pire qu’une menace