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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




On ne saurait exagérer l’importance de la grève des postiers. Les péripéties qu’elle a traversées et surtout le dénouement auquel elle a abouti nous ont fait sentir qu’il y avait quelque chose de brisé, peut-être irrémédiablement, dans notre édifice politique et social. Un long craquement s’est produit. Les pires sourds, c’est-à-dire ceux qui ne veulent point entendre, sont les seuls à ne l’avoir pas entendu. On se demande où nous allons, où sera demain l’autorité véritable, où elle est déjà aujourd’hui.

La grève postale est d’autant plus significative que ses causes apparentes sont plus insignifiantes. On en a énuméré deux : l’irritation créée par une nouvelle règle d’avancement qu’on a appelée le tiercement, et l’impatience, bientôt changée en colère, qu’ont fait naître les procédés envers la personne du sous-secrétaire d’État M. Simyan. Le tiercement est un système en vertu duquel les fonctionnaires des postes étaient partagés en trois catégories : ceux de la première avançaient au choix tous les trois ans, ceux de la seconde au demi-choix tous les trois ans et trois mois, et les autres tous les trois ans et six mois. Cela blessait, paraît-il, le principe démocratique que tous les hommes se valent et doivent être soumis au même régime, qu’ils soient intelligens ou non, laborieux ou non, enfin utiles ou non. Il faut toutefois être juste et nous ne le serions pas envers les postiers si, nous bornant à présenter ce côté de la question, nous négligions de dire que, dans l’application du système, les mieux traités étaient loin d’être toujours les plus méritans. La marge ouverte au mérite était, en fait, envahie par le favoritisme qui est aujourd’hui la plaie, la honte, le vice rongeur de notre administration depuis le haut jusqu’en bas. Les postiers avaient le sentiment profond, l’impression