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tambour, « sans que ce pût être pendant le service divin, » ou enjoignait aux comédiens de quitter la ville « sous peine de confiscation de leurs bardes et chevaux. » Telle localité, où les recettes annuelles des salles de spectacle dépassent aujourd’hui 250 000 francs, ne connaissait encore, à la fin du règne de Louis XV, d’autres divertissemens profanes que les marionnettes et les saltimbanques.

Que gagnait la troupe sédentaire, dite « de l’hôtel de Bourgogne, » parce qu’elle avait acheté au Marais une espèce de masure, de 32 mètres de long sur 32 de large, dépendant de l’ancien logis en ruines de Philippe le Bon et de Jean sans Peur ? Les comédiens, organisés en société, n’y avaient point de gages fixes ; ils se partageaient la recette effectuée trois fois par semaine, de deux à quatre heures et demie, — heure de fermeture obligatoire en hiver. — L’un d’eux recevait l’argent à la porte et jusqu’en 1719, aux Français, l’usage voulut qu’un sociétaire contrôlât ainsi les entrées.

Au début du règne de Louis XIII, les places coûtaient 3 fr. 50 aux loges et galeries et 1 fr. 75 au parterre ; les gens de qualité faisaient venir la troupe chez eux, ils allaient rarement, l’entendre chez elle. Une honnête femme ne s’y serait pas risquée avant le ministère de Richelieu ; sur la scène les actrices ne paraissaient qu’en travesti ; Mlle Beaupré fut une des premières à jouer en femme. C’était le contraire de la danse, où les rôles de déesses et de bergères étaient tenus, sous Louis XIV, par des hommes en jupes.

Bizarre contraste : le théâtre dut sa place mondaine à deux cardinaux. Richelieu mit la Comédie en honneur, Mazarin fut le premier instaurateur de l’Opéra. De leur temps date la transformation des œuvres et des interprètes : ceux-ci vers 1620, vêtus « infâmement, » louaient des habits à la friperie ; ils étaient sans feu ni lieu, presque tous filous et leurs femmes communes à la troupe. Gautier-Garguille le premier commença à vivre un peu plus « règlement ; » Gros-Guillaume à son tour meubla proprement une chambre, ne voulut point que sa femme jouât et lui fit visiter le voisinage. Mondory renchérit encore ; il ne laissait voir son épouse à personne et répondait à qui lui en parlait : « C’est une innocente qui ne bouge des églises. »

Mondory, comme son camarade Floridor, fils d’un