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XIIIe siècle, on relèverait aisément « des fragmens mélodiques de proses ecclésiastiques venant se fondre dans le texte nouveau de ces compositions. Enfin, si nous explorons la littérature musicologique du motet, nous serons frappés du nombre de remaniemens, considérables parfois, auxquels une même œuvre peut donner lieu. Notre esthétique moderne juge avec sévérité ces refontes et ces mutilations. Il en fut certes autrement au XIIIe siècle, où nous voyons que, tour à tour, poètes et musiciens reprenaient pour leur compte l’œuvre d’un autre poète ou d’un autre musicien et lui donnaient par leur apport personnel une physionomie différente de la création primitive. »

Créés ainsi par plusieurs, les motets du XIIIe siècle devinrent le bien de tous. L’Église même, qui les avait produits, ne les retint pas toujours. Ils s’affranchirent peu à peu de la liturgie et, de même que l’élément séculier ou profane s’introduisait en eux, ils finirent par se répandre à leur tour dans le siècle, ou dans le monde.

Nous répétons volontiers : « Que les temps sont changés ! » Peut-être moins que nous n’aimons à nous en plaindre. Ceux mêmes d’autrefois encoururent les reproches que méritent les nôtres et, dès le milieu du XIIIe siècle, on vit la musique d’église perdre quelque chose de sa pureté. Certains motets commencèrent alors de se chanter, pendant l’office, à la place du morceau liturgique dont le thème leur avait servi de centre et comme de noyau sonore. Tolérés, sinon permis, les abus s’accroissent de jour en jour, et le chant ecclésiastique traverse une crise comparable à celle dont quelques-uns ne désespèrent pas de le sauver aujourd’hui. « C’est d’abord la langue vulgaire qui remplace le latin et tente de pénétrer dans le sanctuaire à sa suite ; c’est, en second lieu, l’introduction dans cet art, qui voudrait être liturgique, de toutes les habiletés d’une technique de plus en plus raffinée, triples, quadruples, « hoquets » et bien d’autres artifices d’écriture ; c’est enfin le danger des exécutions musicales, le danger de l’art dans les artistes, et l’inconvénient d’admettre des indignes, comme les jongleurs et les jongleresses, à prendre part aux fonctions liturgiques. »

L’Église perdit, à la longue, une patience dont on avait abusé. Vers le dernier tiers du XIIIe siècle, c’est-à-dire une cinquantaine d’années avant les rigoureuses défenses de la célèbre bulle Docta sanctorum, du pape Jean XXII, les autorités ecclésiastiques de France bannirent du sanctuaire le motet dégénéré. Le cloître le recueillit d’abord, avec les jongleurs et leur répertoire. Il n’y avait là nulle inconvenance. Aux heures de récréation, dans la salle ou dans la cour de l’abbaye, rien