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certaines psychoses ; il peut être inutile, ou même nuisible, dans d’autres. C’est affaire de diagnostic non seulement de la nature de l’affection mentale, mais de la période de son évolution. Dans un cas d’excitation violente et persistante, le doute n’est guère permis ; ne pas isoler d’urgence en pareil cas dans un asile fermé, c’est aller fatalement au-devant d’une catastrophe. Mais faut-il agir avec la même précipitation et la même rigueur dans la dépression mélancolique ? Tous les mélancoliques n’ont pas nécessairement besoin d’être séquestrés dans un établissement fermé. Je suis même persuadé que certains malades de cette catégorie, simples déprimés sans délire, mis en contact avec des délirans persécutés, des hallucinés, des démens, sont péniblement impressionnés et voient leur propre trouble mental s’aggraver au lieu de s’améliorer. Une maison ouverte où ils entreraient librement et où ils ne rencontreraient pas d’aliénés agités, leur serait plus salutaire. Au contraire, les mélancoliques qui gémissent du matin au soir, qui se croient damnés, qui attentent à leur vie à chaque instant, ne peuvent guérir que dans un asile fermé, bien organisé. L’isolement sévère s’impose dans le traitement des intoxiqués délirans tels que les alcooliques, les morphinomanes, les héroïnomanes. Il est le plus souvent inutile pour les démens séniles qui ne délirent pas et qui présentent un simple affaiblissement des facultés intellectuelles. Si nos asiles d’aliénés sont encombrés de malades de cette catégorie, la faute en est en grande partie à leurs familles, qui ne veulent ou ne peuvent veiller sur eux et qui trouvent plus commode de s’en débarrasser en les séquestrant, très légalement d’ailleurs. Une maladie dans laquelle l’isolement à l’asile d’aliénés s’impose à une certaine période et devient inutile à une autre, c’est la paralysie générale. Fort souvent, cette affection des centres nerveux se manifeste au début par une excitation intellectuelle très vive, un besoin d’action, des tendances délictueuses de toute sorte… Plus tôt on met un frein à cette exubérance morbide, plus grandes sont les chances de calmer le malade et de lui épargner, ainsi qu’à sa famille, quelque désastre financier ou moral. Mais plus tard, quand l’orage méningo-encéphalique s’est calmé et que les neurones corticaux plus ou moins atrophiés ont déterminé un état puéril de l’intelligence, le malade n’a plus besoin que d’une surveillance très douce qui, la plupart du temps, pourrait s’exercer dans la famille. Il est vrai qu’il se produit, pour