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musulmans. Cette entreprise échoua pour des causes religieuses, mais probablement aussi parce qu’il subsistait chez les Grecs du moyen âge quelque chose du goût qu’avaient eu leurs ancêtres pour la beauté humaine. Des œuvres comme les mosaïques de Saint-Luc, de Daphni, de Nicée montrent que dans l’héritage qu’ils reçurent de l’Orient, les artistes byzantins marquèrent leur prédilection pour l’élément hellénique ; quelques-uns de leurs personnages ont la majesté des statues antiques. L’art oriental transporté à Byzance n’en exerça pas moins jusqu’au XVe siècle une véritable tyrannie. L’art byzantin resta essentiellement un art décoratif et préféra toujours à la beauté plastique la richesse et l’harmonie des couleurs. Il ne connut jamais la nature qu’à travers les cartons que lui avait légués l’antiquité, et le peu d’initiative laissé aux artistes fut encore restreint par les règles rigoureuses que leur imposa l’église grecque. L’art byzantin fut ainsi une longue survivance de l’art hellénistique et, entre les deux tendances opposées de cet art, il ne parvint jamais à faire un choix.

En Occident, au contraire, les conditions furent toutes différentes. L’imitation fut d’abord servile, ou plutôt, jusqu’au Xe siècle, l’art y eut le caractère d’une importation étrangère. La Renaissance carolingienne montre en réalité le premier effort des Occidentaux pour imiter les œuvres qui avaient été jusque-là apportées d’Orient. Ce mouvement devait être fécond ; il eut d’abord cette unité factice qui caractérise la société carolingienne, puis, lorsque les invasions barbares eurent bouleversé de nouveau l’Europe, l’uniformité qu’avaient pu maintenir quelque temps les artistes formés à l’école d’Aix-la-Chapelle, disparut complètement. Chaque pays, chaque canton, fut livré à lui-même ; chacun des monastères qui avaient conservé les traditions de l’art carolingien se trouva dans des conditions différentes. Dans chaque province, lorsqu’on voulut relever et orner les églises, il fallut se contenter des ressources locales et imiter les seuls modèles dont on disposait. Telles sont les causes de la naissance des écoles provinciales de l’art roman au XIe siècle. La construction originaire d’Asie Mineure qu’était la basilique voûtée, reçut, suivant les provinces, les modes de structure et de décoration les plus divers. Les marbres antiques se faisant plus rares[1] et les placages coûtant fort cher, on songea à tirer

  1. Dans les pays où les marbres antiques étaient abondans, à Rome par exemple, le type de l’ancienne basilique à colonnes persista pendant tout le moyen âge.