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aussi différentes qu’une église romane et une église byzantine ? Comment expliquer en un mot que l’esprit d’imitation des hommes du moyen âge ait pu se concilier avec leur goût de particularisme et d’autonomie ? En réalité, le tempérament propre à chaque peuple, les conditions spéciales à chaque pays (nature des matériaux de construction, nécessités climatériques, etc.) restèrent des facteurs importans. L’art cosmopolite de l’Orient ne fut pas compris par tous de même, et, de la diversité d’interprétation, résultèrent les écoles nationales.

Avec le triomphe de l’islam s’acheva en Orient l’évolution que nous avons vue commencer sous l’empire romain : les élémens helléniques de l’art furent presque entièrement éliminés par les traditions nationales. Dire que les musulmans renoncèrent, ce qui n’est pas rigoureusement exact, à traiter la figure humaine pour des raisons religieuses, c’est prendre la cause pour l’effet. La vérité est que la défense qui se trouve dans le Coran répond merveilleusement au tempérament oriental. L’hellénisme et l’orientalisme représentent deux tendances contradictoires dont la juxtaposition était presque monstrueuse. L’art grec est essentiellement humain, et c’est dans la forme humaine, dans les proportions de l’homme, qu’il cherche à atteindre la beauté. À ces formes aux contours si nets, l’Oriental préfère au contraire le domaine infini du rêve, et il semble qu’il veuille par la richesse du décor offrir à son imagination les moyens de s’échapper du réel. Sur les étoffes persanes comme sur les ivoires coptes, les personnages ou les animaux, dépourvus de caractère individuel, ne semblent jouer déjà qu’un rôle décoratif. Les artistes musulmans, Coptes, Syriens ou Mésopotamiens pour la plupart, poussèrent ces principes jusqu’à leurs dernières conséquences. Dans tous les pays conquis par les Arabes régna l’antique art de la Mésopotamie et de l’Egypte, qui ne garda guère de sa période d’hellénisme que quelques motifs décoratifs, palmettes, feuilles d’acanthe, etc. L’ornement polygonal, la rosette de Mschatta, les entrelacs du Dioscoride de Vienne et des étoffes d’Antinoé devinrent le décor arabe par excellence.

Tandis que l’art oriental remontait ainsi à son principe, l’art byzantin au contraire garda jusqu’au bout ce caractère mitoyen qui est celui de toute la culture byzantine. La Querelle des Images montre une tentative pour transformer l’art byzantin suivant les principes qui régnaient déjà dans les pays