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l’art comme pour les cultes d’Isis ou de Mithra, et l’on sait que le christianisme lui-même ne devint véritablement une religion universelle que quand il eut emprunté la forme et le langage helléniques. Il n’y a donc pas eu à proprement parler d’art romain et encore moins d’art’ chrétien. Rome est devenue grâce à ses empereurs un centre d’art hellénistique dont le rayonnement atteint les extrémités de l’empire : à la fin du IIe siècle, au moment où la paix romaine avait renversé les barrières entre les races, le monde romain tout entier connut l’unité artistique, mais cet art cosmopolite fut l’art hellénistique. Comme on l’a montré récemment[1], Vitruve a écrit son ouvrage d’après des sources grecques et il a dû séjourner à Alexandrie. Des artistes grecs, comme Zénodore, ont travaillé pour le compte des empereurs et sont venus exercer leur art en Gaule[2]. A partir du IIIe siècle, quand l’art hellénistique subit plus fortement l’influence de l’Orient, le contre-coup de cette transformation se fit sentir sur les monumens romains. C’est à ce moment que les grandes salles des thermes se couvrent de coupoles, que la sculpture abandonne le relief pour le remplacer par un jeu d’ombres et de lumières, que les mosaïques s’entourent de cadres décoratifs, que la technique de la verroterie cloisonnée s’introduit dans l’art industriel. C’est à la même époque qu’un premier développement d’art chrétien a lieu à Rome et dans tout l’Occident sous des influences orientales. L’art hellénistique en un mot a régné sur tout l’empire romain et fourni au christianisme les édifices de son culte, ainsi que son iconographie religieuse. Mais on peut encore aller plus loin et montrer que c’est de ce tronc vigoureux qu’est sorti tout l’art du moyen âge.


V

Deux caractères, qui semblent d’abord s’exclure, distinguent la période qui s’étend du VIIIe au XVe siècle : d’une part, un particularisme farouche, une vie locale d’une grande intensité, une absence totale de vues d’ensemble, une ignorance enfantine de tout ce qui dépasse les frontières d’un canton ou d’une province ; d’autre part, une absence complète d’originalité et une véritable

  1. Mortet, Revue archéologique, 1902, II, p. 62.
  2. Il était l’auteur de la statue colossale de Mercure, élevée dans la cité des Arvernes.