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(Jonas tout habillé, suivant la tradition orientale, est englouti par la baleine) ; les rois de Rome, du Latium, de Lacédémone, de Lydie (ceux-ci portent une sorte de bonnet phrygien). La partie la plus curieuse est destinée à illustrer une chronique qui va de 388 à 392. Honorius naissant est représenté à côté du cadavre du tyran Maxime. A la page suivante, Théodose paraît en grand costume impérial avec la chlamyde de pourpre et le globe crucigère à la main. Au-dessous de lui, le patriarche d’Alexandrie Théophile, vêtu de la tunique safran et de la planète violette, est monté sur une sorte de piédestal soutenu par deux colonnes ; dans le bas se trouve un buste à figure imberbe, coiffé du modios. Dans la marge située de l’autre côté du texte, le Sérapeum est représenté par une construction polygonale à toit pointu. Le texte de la chronique raconte en cet endroit la destruction du Sérapeum en 395 et il ne faut pas douter que le peintre, probablement quelque moine de la Haute-Egypte, n’ait voulu célébrer ainsi le triomphe du christianisme sur le paganisme hellénique. Les autres miniatures représentent des personnages bibliques ou évangéliques, la prophétesse Anna en orante, un ange la tête ceinte du diadème et le sceptre à la main (type familier plus tard à l’art byzantin), la Vierge portant l’Enfant et sainte Elisabeth, la tête de saint Jean-Baptiste sur un plat, etc.

Malgré leur imperfection, ces miniatures n’en constituent pas moins un monument d’un prix inestimable. Elles nous montrent ce qu’est devenu l’art hellénique, accommodé aux traditions indigènes de l’Orient ; comme les fresques de Baouît, comme les étoffes d’Antinoé ou d’Achmin-Panopolis, elles révèlent une iconographie religieuse entièrement constituée, dont les motifs sont empruntés à la fois aux traditions hellénistiques et orientales.

Cet inventaire forcément abrégé suffit à montrer qu’elle était, au déclin des temps antiques, la vigueur de cet art né d’une tentative pour introduire l’hellénisme dans les pays conquis par Alexandre et entraîné presque inconsciemment vers le retour aux pures traditions de l’antique Orient. Le caractère hétérogène de cet art fut d’ailleurs la principale raison de son succès. L’art hellénistique conquit tout l’Occident et devint l’art officiel de l’Empire romain. Son aspect hellénistique, c’est-à-dire humain et cosmopolite, fut le véhicule qui servit à répandre en Occident les formes et les traditions purement orientales. Il en fut pour