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avons voulu successivement repousser les indigènes au-delà de l’Atlas et les rejeter dans le Sahara, puis les fondre avec la population européenne en leur imposant, soit par la contrainte, soit par la propagande, nos mœurs et nos lois ; nous avons voulu, à un moment donné, consolider leurs coutumes et rendre inviolables leurs propriétés ; nous avons enfin tâché d’agir sur eux en nous efforçant d’amener entre eux et les Européens la concorde et l’harmonie. Nous avons pratiqué l’un après l’autre les systèmes du refoulement, du fusionnement, de l’abstention et du rapprochement. On n’a d’ailleurs jamais adopté complètement et résolument aucun de ces régimes : on a flotté de l’un à l’autre ; on les a mêlés ; on n’a jamais eu de principes nets. Les indigènes ont été inquiétés par une ingérence incohérente dans leurs affaires, par des demi-mesures qui les ont irrités sans les affaiblir, par des violations de leurs droits de propriété ou de jouissance. Aujourd’hui, des expériences qui ont duré plus de trois quarts de siècle ont fourni des élémens suffisans de précision et fixé la meilleure méthode à suivre en matière de politique coloniale.

Nous savons désormais qu’il n’y a que deux manières de concevoir l’administration des indigènes : l’une est ce que l’on est convenu d’appeler la manière forte qui, ne tenant compte ni des besoins, ni des aspirations du peuple soumis, a en vue surtout la domination par la compression ; l’autre, la manière douce, qui repose sur la persuasion et associe les indigènes à l’œuvre de progrès et de prospérité du pays.

La méthode forte, qui a été, au courant du XIXe siècle, notre conception de la colonisation, a longtemps prévalu en Algérie ; on sait avec quels résultats. Ce n’est que tout à fait en ces derniers temps que nous sommes arrivés à nous former une politique indigène. On peut regretter que nous ayons tant tardé. Mais, comme dit le proverbe : « Mieux vaut tard que jamais. »

Sans doute, nous ne nous sommes engagés dans cette voie que d’une manière hésitante et timide : c’est que tout un passé d’erreurs pèse sur nous et que nous sommes liés par les fautes commises. Mais l’orientation est prise et quel bien pouvons-nous faire encore, à commencer par l’abandon du système du refoulement et du « recasement ! » Les indigènes acceptent sans la moindre résistance tout ce qu’on leur demande au nom de la domination ; mais protestent ouvertement ou secrètement,