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Mais si peu que nous ayons fait pour l’enseignement des indigènes, le nombre de ceux qui sont instruits n’en est pas moins considérable : officiers, médecins, avocats, professeurs, interprètes. Beaucoup d’entre eux sont arrivés presque tout seuls, par leurs propres forces. Des indigènes remplissent des emplois dans la plupart des administrations, et s’il n’y en a pas davantage, ce n’est pas parce qu’ils manquent de capacité, mais parce que les Européens se réservent les places à eux-mêmes.


IV. Le relèvement des races indigènes et leur avenir.

On ne peut donc nier que, malgré les conditions inférieures dans lesquelles se trouve la généralité des indigènes par suite de leur appauvrissement, un effort considérable n’ait été fait par certains d’entre eux pour s’approprier nos procédés perfectionnés et notre instruction ; et si, comme il est vrai, cet effort n’a pas eu pour résultat de compenser les pertes que leur ont causées les procédés de notre politique à leur égard, et l’état précaire où presque tous se trouvent, il n’en est pas moins réel et digne de retenir notre attention. Cette évolution est le résultat de trois mouvemens convergens. Il y a d’abord une évolution sociale due à l’influence continue des institutions françaises. Il y a ensuite une évolution intellectuelle, due à l’instruction, si parcimonieusement distribuée encore soit-elle. Il y a une évolution morale due au contact des hommes et des idées modernes. Sous cette triple action, les indigènes algériens, gagnés aux idées françaises, oublient leurs traditions de défiance, n’hésitent pas à emprunter à l’Europe ce qu’elle a de bon et créent ainsi une nouvelle nationalité franco-africaine. La force qui entraîne la population indigène, c’est la civilisation moderne. L’indigène est accaparé lentement, mais sûrement, par la voie européenne qui le transforme, soit en le contraignant à son insu, soit en soumettant son intelligence à des raisonnemens décisifs ; parmi les musulmans, les plus indépendans, les plus hardis font les premiers pas, et leurs succès entraînent les autres. La pénétration européenne transforme certaines coutumes et abaisse les barrières qui séparaient naguère le croyant de l’infidèle. La femme notamment a aujourd’hui des exigences qu’elle n’eût jamais osé manifester il