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peut-être le prétendre, il sera impossible d’écarter tant que la candidature du prince sera maintenue[1]. » Beust, dans une conversation avec le ministre espagnol, avait vivement exprimé sa surprise et sa désapprobation. Il l’avait télégraphié à son ministre à Madrid : « L’idée pouvait être excellente, mais son effet serait déplorable et mettrait en péril la paix de l’Europe[2]. » Le brave Topete était exaspéré contre Prim : « Comment ! disait-il à Mercier, aller provoquer la France dans l’état où nous sommes, mais c’est de la folie ! Nous voulions faire une chose qui pouvait ne pas être agréable à l’Empereur, mais nous étions bien convaincus que tout pourrait s’arranger sans troubler les relations entre les deux pays. S’il le faut, je ferai mon mea culpa devant les Cortès. Je dirai que je me repens de la part que j’ai prise dans la Révolution et que je reviens au prince Alphonse[3]. » Marie de Hohenzollern, comtesse de Flandres, la sœur du candidat, écrivait à Antoine Radziwill : « Ce serait un deuxième Sadowa ; la France ne le permettrait pas[4]. » La fille répète, à l’explosion du guet-apens, ce que le père avait dit alors qu’il était encore en perspective : « La France ne le permettrait pas. » Et ainsi le sentiment français se trouve en quelque sorte justifié par ceux qui l’ont déchaîné. Le Tsar, qui ne voyait pas encore clair au fond des pensées de son allié, avouait au général Fleury, dans une première impétuosité de sincérité, « qu’il reconnaissait tout ce que l’offre du trône au prince de Hohenzollern a de blessant pour la France et que, quel que soit le peu de valeur du candidat, il n’en deviendrait pas moins un drapeau pour la Prusse à un moment donné[5]. » Le ministre des Affaires étrangères de La Haye, Roest van Limburg, lorsque l’ambassadeur d’Espagne lui annonça la nouvelle, s’écria : « Ce choix est bien inacceptable pour la France[6]. » Le ministre même d’Espagne à Berlin reconnaissait que notre mécontentement était juste[7].

Dans l’Allemagne du Sud, Bismarck était unanimement

  1. A Loftus, à Berlin, 6 juillet.
  2. A Dunsky, 7 juillet.
  3. De Mercier, 4 juillet.
  4. Le fait est raconté par le Roi à la Reine dans une lettre du 5 juillet donnée par Oncken.
  5. Fleury à Gramont, 9 juillet.
  6. Vice-amiral Harris à Granville, 11 juillet.
  7. Lesourd à Gramont, 5 juillet.