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nombreuses. Le gouvernement et la Commission s’y étaient opposés en vain : la Chambre, quelque pliée qu’elle fût à la docilité, a fait ce jour-là acte d’indépendance. — Cela creuse un trou de 50 millions dans le budget, s’écriait M. Caillaux. — De 20 à peine, assurait M. Magniaudé, et d’ailleurs, on ne ferait rien si on s’occupait de ces vétilles. — La Chambre s’est séparée, ce jour-là, toute fière de la leçon qu’elle venait de donner au gouvernement. Mais, le lendemain, elle a retrouvé devant elle le même gouvernement qui lui montrait un front sévère, menaçant même, et lui enjoignait de revenir sur son vote. Elle l’a fait sans hésiter, car sa vertu commençait à lui peser : elle a repoussé par cent voix de majorité l’amendement Magniaudé qu’elle avait voté la veille exactement par le même nombre de voix. Après cela, le gouvernement était le maître : il pouvait tout faire de cette Chambre infiniment maniable. La question des centimes additionnels n’était plus pour lui un embarras. Pendant plusieurs mois, cette question, qui avait pris le nom parlementaire d’amendement Mulac, avait causé quelques inquiétudes, et on se demandait ce qu’il en adviendrait au dernier moment : au dernier moment, le nuage s’est dissipé. M. Mulac lui-même qui, jusque-là, avait eu l’air d’être une barre de fer est devenu aussi flexible qu’un jonc, et tout le monde s’est mis d’accord sur une formule équivoque qui peut-être voulait dire la même chose que l’amendement Mulac, mais peut-être aussi, voulait dire autre chose : c’est ce qu’on ne saura bien que plus tard. M. Mulac a paru croire que la formule du ministre et de la Commission avait le même sens que la sienne, de même que, dans Molière : « Belle marquise, vos beaux yeux, » ou : « Vos beaux yeux, belle marquise, etc., » sont évidemment des expressions équivalentes. Mais alors, demandera-t-on, pourquoi changer un texte qui était plus clair, contre un autre qui l’est moins ? C’est ici une de ces finesses du parlementarisme qui laissent bien loin derrière elles celles de l’ancienne philosophie scolastique. M. le ministre des Finances a expliqué que, le Centre et la Droite s’étant montrées favorables à l’amendement Mulac, le vote de cet amendement aurait l’air d’être un succès pour eux, tandis que, si on changeait les mots en conservant la chose, le pays verrait bien que l’opposition était battue. Ce raisonnement est juste à la hauteur de l’esprit de la Chambre, qui s’est empressée de s’y associer.

Mais, avons-nous dit, le Sénat fera de l’amendement Mulac une réalité. Il avait pour objet de dire que la réforme fiscale ne serait appliquée que lorsqu’elle aurait été étendue aux centimes