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REVUES ÉTRANGÈRES

L’ « IMMORTELLE BIEN-AIMÉE » DE BEETHOVEN


Beethoven’s Unsterbliche Geliebte. — Das Geheimniss der Grœfin Brunsvich und ihre Memoiren, par La Mara, un vol. in-8o, Leipzig, Breitkopf et Hœrtel, 1909.


On rencontrait chaque jour dans les rues de Budapest, entre les années 1850 et 1860, une étrange petite vieille toute bossue et contrefaite, vêtue d’un ample manteau de coupe surannée, mais gardant un certain air de distinction native sous la trop évidente pauvreté de sa mise. Parfois elle entrait s’agenouiller un moment dans une église ou une chapelle catholique, parfois on la voyait frapper à la porte de l’un des palais de l’aristocratie hongroise, dont les maîtres semblaient, d’ailleurs, assez peu empressés à la recevoir ; mais, le plus souvent, ses visites s’adressaient à des écoles enfantines, où professeurs et élèves ne se faisaient pas faute de sourire des admonitions pédagogiques qu’elle leur prodiguait inexorablement. Ou bien encore c’étaient les employés du ministère de l’Instruction publique qui avaient à subir les doléances de la vieille demoiselle, leur reprochant le retard apporté à l’inauguration d’un asile d’enfans, ou l’excès de hâte avec lequel ils avaient choisi, pour telle école, tel professeur au lieu de tel autre : tout cela accompagné de commentaires verbeux où reparaissaient sans cesse des citations d’écrits ou d’entretiens privés du vénérable et fastidieux Pestalozzi. Après quoi la petite vieille, du même pas rapide et affairé, reprenait le chemin de son logement ; et là, tout de suite, assise devant une table où s’entassaient en désordre les objets les plus disparates, elle se mettait à écrire de nouvelles pages de ses Mémoires, pendant que, peut-être, un gros chat,