Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cueilli pour faire connaissance avec la paille humide des cachots. Mais Dirk veille. Il est fort mal en point, depuis le coup de mousquet de l’acte précédent. Il ne lui reste que peu de temps à vivre. Raison de plus pour le bien employer ! Donc il arrive avec Kobus, tirant l’aile et traînant le pied. Il éloigne le jeune homme, après lui avoir fait jurer de ne pas le démentir. Il a son idée : c’est de se livrer comme étant l’assassin que cherchent les gendarmes. Ici finissent les aventures du jeune Kobus. Maintenant, fixé dans son moulin, entre sa femme et des tas de marmots, il prendra ses pinceaux, à chaque loisir que lui laissera la meunerie, et peindra des chefs-d’œuvre… C’est égal, j’ai bien de la peine à croire que ce soit le meilleur apprentissage pour qui veut faire de la bonne peinture.

La troupe du Vaudeville n’est pas très familière avec l’art de dire les vers. D’excellens artistes, tels que M. Gauthier, ont été visiblement gênés par les exigences d’une tâche nouvelle pour eux. Le succès a été pour M. Decori, qui se souvient d’avoir été le Chemineau, et, dans le rôle de Dirk, se retrouve chez lui. Il a toute la verve, la belle humeur, la fantaisie large et joyeuse qui conviennent au rôle.


Tandis que le Roi, plus de trois fois centenaire, continue aux Variétés sa carrière triomphale, MM. de Flers et de Caillavet nous donnent encore au Gymnase une pièce de ce genre aimable, dont ils sont aujourd’hui les fournisseurs les plus achalandés. Amuser par une intrigue légère, agrémentée de charmantes invraisemblances, piquée de paradoxes sourians, et relevée çà et là d’une pointe d’émotion, telle a été toute leur ambition en écrivant l’Ane de Buridan. Ils se sont plu, comme toujours, à prodiguer les mots d’un esprit facile : il n’est personne ici, et jusqu’aux domestiques, qui ne fabrique à la douzaine les mots d’auteur. Si d’ailleurs, en plus d’un endroit, la pièce côtoie le vaudeville, les auteurs ingénieux savent, à temps, la ramener au ton de la comédie de genre.

L’action se passe dans ce milieu de fantaisie, aux frontières imprécises, où les femmes du monde s’entretiennent familièrement avec les chanteuses de café-concert et les ingénues parlent un langage de vieux briscard. Georges Boullains est un être singulier, affligé d’une sorte de maladie de la volonté : il lui est impossible et de prendre une décision, et de « persévérer dans son être. » Au fait, cette maladie n’est-elle pas aujourd’hui fort répandue, et n’était-ce pas, par exemple, celle de l’ineffable Triplepatte ?

A peine vient-il de rompre avec trois maîtresses et d’abjurer tous