Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Dieu trahi et une manifestation de sa toute-puissance. Un filou, usurier et faussaire, se fait télégraphier jour à jour des nouvelles d’un garçon malade à cent lieues de là, les donne au père comme des divinations et, grâce à d’horribles scènes de magie noire qui terrifient le bonhomme, lui soutire tout l’argent qu’il veut. — Reste-t-il encore quelque comédie dans la tragique histoire de ce mineur aveugle dont la jeune femme se laisse courtiser par un ouvrier de la même équipe ? Un jour, dans la saison des pluies, la mine est inondée. L’aveugle en connaît toutes les galeries, tous les détours. Il sauve son équipe et son rival. En récompense, l’amant de sa femme s’enfuit avec elle. Et si vous voulez enfin la tragédie toute pure, lisez Beyond the Pale[1], Without Benefit of Clergy[2], The Limitations of Pambé Serang[3], Dray Wara Yow Dee[4].

Quand cette humanité primitive nous découvre sa vie profonde, nous y reconnaissons, dans toute leur intensité et dans toute leur grâce, dans leur, violence sauvage et leur poésie intacte, les instincts éternels de l’homme et ses sentimens les plus simples, ceux qui n’ont pas cessé d’être les grandes forces de l’univers moral et que l’intuition des observateurs de génie sait retrouver sous les complications et les métamorphoses. L’amour et la mort, la jalousie et la vengeance, voilà le fonds commun de ces histoires ; disons plutôt de ces drames. Il y coule des larmes et du sang ; nous y voyons des joies infinies et des désespoirs qui tuent ; nous y devinons des arrière-plans mystérieux où n’atteignent point nos regards. Qu’est donc cette Bisesa, cette veuve de quinze ans qui, derrière le mur tout nu percé d’une seule lucarne grillée, au fond de l’impasse, « priait les dieux nuit et jour de lui envoyer un amant, car elle n’aimait pas la solitude ? » Un tintement affaibli de bracelets, une chanson d’amour, un joli petit rire, c’est à peu près tout ce qui nous arrive d’elle. Nous savons seulement qu’elle n’admettait point de partage quand on lui était devenu plus cher que son propre cœur. Faute de l’avoir compris, le fonctionnaire anglais qui avait conquis si aisément ce dangereux privilège, perdit à jamais la charmante Bisesa. Elle ne répondit plus à son signal ;

  1. PLAIN TALES… LIFE’S HANHICAP. — Bisesa (L’HOMME QUI VOULUT ETRE ROI). Hors du cercle (Revue des Deux Mondes, 15 février 1892).
  2. Ibid. — Sans bénéfice de clergé (SUR LE MUR DE LA VILLE).
  3. Ibid. — Les Bornes mentales de Pambé Serang (LE RETOUR D’IMRAY).
  4. Ibid. — LE RETOUR D’IMRAY.