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frais émoulus des écoles, tout bourrés de théories, pleins de confiance encore dans les méthodes et les principes. Ailleurs, il nous donne complaisamment en spectacle les jeux cruels ou ridicules de l’amour. C’est un de ses thèmes favoris. La jolie Kitty Beighton est la fille d’un pauvre juge de district ; courtisée par un haut fonctionnaire extrêmement laid, elle lui préfère ce coquin de Cubbon, un dragon du régiment en garnison à Umballa, le beau militaire sans avenir. Et elle signifie son choix devant le tout Simla des grands jours, dans un concours de tir à l’arc, organisé à son intention par l’amoureux commissaire, et transformé par le caprice de la jeune fille en « une représentation du jugement de Paris en sens inverse., » L’imbattable Kitty, pour mystifier son soupirant, se livre à un tir fantaisiste et refuse ainsi, avec le magnifique bracelet de diamans destiné à la plus habile, l’hommage qui se dissimulait à peine sous cette galante feinte[1]. Mrs Cusack-Bremil, après être restée trop longtemps chez elle à tourner et retourner les vêtemens de l’enfant défunt et à pleurer sur le berceau vide, indifférente à tout le reste, s’éveille enfin devant la réalité que de bonnes amies lui mettent sous les yeux ; elle la regarde en face et considérant qu’elle ne peut tout de même pas sacrifier au souvenir d’un enfant mort l’affection d’un mari vivant, va reprendre le sien de haute lutte à Mrs Hauksbee[2]. Elle est inoubliable, cette Mrs Hauksbee, « une petite femme brune, maigre, avec de grands yeux mobiles, nuancés en bleu de violette, et les manières les plus douces du monde. » Elle a « la sagesse du serpent, la logique serrée de l’homme, l’intrépidité inconsciente de l’enfant et la triple intuition de la femme. » On la trouve « loyalement malfaisante, » auprès de sa rivale, Mrs Reiver, qui « déploie une scélératesse de femme d’affaires. » Leurs intrigues, leur émulation, leurs exploits, ne sont que de la comédie. Le drame apparaît avec les faillites des jeunes gens qui n’étaient pas préparés à la lutte ou qui l’affrontaient dans de mauvaises conditions. Tel cet honnête garçon élevé par ses parens en Angleterre d’après « la méthode de la vie abritée. » Livré à lui-même dans l’Inde, il se dissipe, s’endette quelque peu, s’exagère la gravité de ses fautes et finalement se suicide. « Voilà des choses bien

  1. Cupid’s Arrows.
  2. Three and — an Extra. Les Flèches de Cupidon (SIMPLES CONTES DES COLLINES). — Trois et… un de plus (SUR LE MUR DE LA VILLE).