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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Des bruits de crise ministérielle courent depuis quelques jours, sans qu’on puisse dire encore dans quelle mesure ils sont exacts. Nos ministres en général, et chacun d’entre eux en particulier, ont montré jusqu’ici un si vif désir de rester au pouvoir, une si ferme résolution de ne pas abandonner leurs portefeuilles, et ils ont fait pour les conserver tant de sacrifices, qu’on hésite à croire à un changement dans leurs dispositions. Cependant tout est possible ; le proverbe dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu ; on parle trop de dissentimens dans le sein du Cabinet pour qu’il n’y ait pas là une part de vérité ; et, au surplus, le motif connu du désaccord qui a éclaté entre M. le ministre de la Marine et M. le ministre des Finances est d’un ordre assez grave pour être pris très au sérieux.

Lorsque M. Alfred Picard a été nommé ministre de la Marine, l’opinion, en général, a accueilli ce choix avec faveur. Nous parlons de l’opinion publique, et non pas de l’opinion parlementaire, car on a été blessé dans les couloirs de la Chambre de l’espèce d’exclusion qui venait d’être prononcée contre le personnel politique. Il y a au moins vingt députés ou sénateurs qui se regardaient comme particulièrement propres à relever notre marine de sa déchéance. Mais, hors de l’enceinte parlementaire, on en jugeait autrement, et on se demandait si cette déchéance n’avait pas précisément pour cause l’habitude prise, depuis un certain nombre d’années, de mettre un politicien à la rue Royale. Bon gré, mal gré, un membre du parlement, en dépit de l’intelligence qu’il peut avoir et de sa bonne volonté, obéit à des préoccupations très diverses, qui ne se rapportent pas toutes à l’intérêt de notre flotte. D’autre part, un homme du métier, un amiral, est exposé