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l’idée démocratique, il a montré à l’occasion une véritable complaisance aux conceptions sociales les plus avancées de notre temps. N’a-t-il pas écrit ces lignes significatives[1] : « Beaucoup de socialistes estiment aujourd’hui que le mouvement de concentration des richesses entre les mains des Juifs doit être favorisé par tous les moyens. C’est le procédé le plus sûr et le plus doux pour parvenir à la Nationalisation des moyens de production. Il suffira de frapper une classe peu nombreuse, étrangère. Au sein du parti ouvrier, j’ai moi-même propagé cette idée. »

Mais les conseils bénévoles du savant auteur de l’Aryen n’ont pas rencontré auprès des travailleurs l’accueil qu’il espérait de ces libres esprits. C’est pourquoi, en d’autres circonstances, il donna le socialisme pour une forme insidieuse du cléricalisme, il eut des paroles sévères pour les chefs du mouvement ouvrier et prophétisa leur chute dans le catholicisme final : « Leur psychologie, écrit-il alors, est celle des hommes qui, jadis, se prosternaient dans les églises, » et il ajoute avec une belle impassibilité d’homme de science : « Ne nous étonnons point, ils en descendent[2] ! » En réalité, ils descendent de créatures humaines, toujours emportées volontiers sur les ailes de quelque mysticisme vers la réalisation rapide de leurs désirs de pouvoir ; et, certes, le mysticisme romantique, qui trop souvent pénètre les doctrines collectivistes ou anarchiques de notre âge, n’est pas sans analogies avec le mysticisme chrétien le plus excessif ! C’est pourquoi M. de Lapouge rejette à son tour les socialistes dans la compagnie peu honorable à ses yeux des Alpins brachycéphales, cerveaux façonnés d’avance à toutes les servitudes. Il les voit sous peu de temps vaincus et réduits à merci par les « darwinistes, » c’est-à-dire par des démocrates convertis à un impérialisme plus rationnel, et revenus enfin des illusions que le romantisme a propagée » sur la nature humaine : « Déjà, écrit-il en une sorte d’hymne guerrier, à la dernière page de son dernier grand ouvrage, déjà libéraux, socialistes, anarchistes traitent les darwinistes de barbares. Soit ! voici les barbares qui viennent : les assiégeans de la forteresse sociale deviennent assiégés à leur tour et leur dernier espoir de résistance est de s’enfermer eux-mêmes dans la citadelle qu’ils attaquaient

  1. L’Aryen, p. 469.
  2. Ibid., p. 513-514.