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française dans le domaine de l’esprit la situation privilégiée qu’elle a perdue sur le terrain politique et économique. Comment un homme de lettres français ne se sentirait-il pas secrètement touché par une si flatteuse affirmation ?

M. Woltmann s’était donné pour tâche de déterminer, au cours de son voyage en France, les caractères anthropologiques exacts des deux cents personnages les plus célèbres de notre histoire. Il en avait préalablement établi la liste, y marquant trois vivans seulement, Berthelot (depuis disparu à son tour), MM. Saint-Saens et Rodin, parce que ces noms sont dès à présent consacrés par l’admiration de l’Europe. L’étude des vivans et des disparus d’hier ne présentait pas grande difficulté et le savant allemand eut vite fait de trouver en eux la mèche, la pupille, la stature ou l’épiderme qui convenaient à sa théorie. Mais, quant aux illustrations d’un passé plus lointain, leur examen anthropologique fit surgir des difficultés de toutes sortes. Méditez par exemple cette description physique dont nul trait précis ne se dégage : « Racine était d’une taille moyenne, les traits de son visage étaient agréables, son regard ouvert, sa physionomie douce et vive. » Voilà qui n’offre aucun butin à un germaniste en campagne ! Quant à Lesueur, doué d’un extérieur plein de dignité et de grâce, qui trahissait une âme au-dessus du commun, il garda jusqu’à la fin de sa carrière une rare noblesse et une véritable beauté. Sans doute ce sont là des présomptions psychologiques de germanisme dont M. M. S. Chamberlain se contenterait peut-être : mais Woltmann voulait davantage, et il a inutilement feuilleté bien des biographies.

L’usage des perruques et de la poudre est un autre embarras pour un dévot des cheveux blonds. Mais la nécessité rend ingénieux : Woltmann eut vite fait de découvrir que les perruques étaient faites le plus souvent de la même nuance que les cheveux naturels du porteur, afin d’être mieux assorties à son teint ; et, quant à la poudre, l’usage voulait qu’elle fût plus légèrement épandue sur les boucles qui accompagnaient le visage que sur le sommet de la coiffure. C’en est assez pour que, dans les portraits consciencieux de jadis, elle laisse le plus souvent discerner le ton des cheveux qu’elle recouvre. — Ceci posé, le docteur Woltmann reconnut sans peine chez tous nos grands hommes quelques-uns des traits du Germain, ne fût-ce que le teint clair, son dernier recours. Encore se passe-t-il de ce caractère pour Jean-Jacques