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Enfin les caractères anthropologiques fournissent naturellement à Woltmann ses argumens de prédilection. La taille haute, le cheveu blond, l’œil bleu, le nez hardi et le teint clair ou coloré de rouge, tels sont les traits physiques auxquels il se réfère afin d’arracher au latinisme ses plus précieux rejetons. Un seul de ces traits suffit pour établir sa conviction et ce serait vraiment jouer de malheur s’il ne rencontrait pas au moins l’un d’entre eux chez le grand homme qu’il désire annexer au germanisme. Voyez, parmi les Italiens, Cherubini qui se montre assez rebelle à cet enrôlement forcé parce qu’il eut des cheveux noirs et des yeux de charbon : mais en revanche, son teint était vraisemblablement clair. C’est assez ! une recrue nouvelle est racolée qui viendra grossir le bataillon imposant des grands Germains du passé. Car le teint clair ou facilement coloré par l’émotion est la suprême ressource du docteur Woltmann au cours de sa trop complaisance enquête ; et, pourtant, il reconnaît lui-même que c’est là un caractère universellement répandu parmi les habitans de l’Europe, caractère qui a donné naissance à la fausse et fallacieuse notion d’une race blanche homogène et supérieure dans son ensemble, où seraient confondus sans distinction légitime les Alpins médiocres avec les Aryens favoris du ciel.

Son livre sur le Germanisme en France est plus schématique que son étude sur l’Italie de la Renaissance. Il y donne d’abord un résumé des doctrines anthropologiques de MM. de Lapouge et Ammon sur le passé historique de notre pays et des provinces adjacentes : puis un récit de son voyage de découverte à travers les bibliothèques et les musées de la France. Il rend en passant pleine justice à l’accueil empressé qu’il a partout rencontré chez nos compatriotes et le compare au sans-gêne d’une autre nation latine qui laissa, dit-il, sans réponse tous les questionnaires dont il avait prié ses savans de remplir les feuillets blancs[1]. La France s’est donc montrée une fois de plus le pays des usages aimables et gracieux. A des hôtes si courtois, leur visiteur s’est efforcé de rendre leur politesse, au moins dans sa conclusion, car il estime que l’élément germanique de notre population, c’est-à-dire son aristocratie naturelle, se réfugie présentement dans les sphères intellectuelles, assurant pour longtemps à la nation

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