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tant qu’elle s’efforce d’écarter de son champ d’action les élémens défavorables à la réalisation de l’espèce rêvée ; positive lorsqu’elle favorise au contraire la reproduction des individus dont la postérité paraît devoir tendre vers le type souhaité. Dans la sélection négative, M. de Lapouge se montre impitoyable. Sparte est à ses yeux la cité « où l’Aryen a reçu son plein développement ; » il partage donc les vues de Lycurgue non seulement sur la morale matrimoniale et sur les méthodes d’éducation, mais encore sur les dangers de la charité et de la pitié mal entendues, sur la nécessité de supprimer les faibles. Il appliquerait sans pitié la peine capitale aux dégénérés criminels, car la loi se montre trop souvent indulgente, à son avis, pour des êtres gangrenés dont la présence dans les prisons ou les bagnes est un embarras bien inutile. « La question, dit-il, ne comporte qu’une solution sûre, économique, énergiquement sélective, la mort[1] ! » Pourtant, — et parce que tous les dégénérés ne sont pas des criminels qu’on puisse diriger vers l’échafaud, — notre sélectionniste a donné des détails fort précis sur les mesures physiologiques qui pourraient être décrétées par la loi en vue de supprimer tout espoir de postérité chez les citoyens scientifiquement reconnus comme dépositaires d’une dangereuse hérédité[2]. Nous n’insisterons pas sur ce sujet délicat et nous noterons plutôt les procédés de douceur que M. de Lapouge recommande parfois afin d’assurer la destruction « en quelque sorte amiable » des déchets sociaux, en leur facilitant l’alcoolisme, la vie oisive, la débauche : « Je crois volontiers, écrit-il, que s’il y avait en France une ville où l’alcool fût gratis, les alcooliques ne manqueraient pas de s’y concentrer comme les limaces d’un jardin sous la feuille de chou beurrée, piège succulent et fatal[3] ! »

Quant à la sélection positive, nous nous ferons une idée de ses méthodes en nous transportant une fois de plus par la pensée dans l’une de ces fermes modèles où grandissent les futurs

  1. Les Sélections sociales, p. 324.
  2. L’Aryen, p. 505. On assure que l’Amérique anglo-saxonne est entrée dans cette voie. M. de Lapouge donne d’intéressans détails sur les lois sélectives dès à présent appliquées dans les États de Connecticut, Pensylvanie, Maryland, Texas, Ohio. (L’Aryen, p. 504 et suiv.) « Le Conseil de révision matrimonial fonctionne dans sept États de l’Union, » écrit triomphalement M. Muffang, l’excellent traducteur de M. Amraon, dans la préface de l’Ordre social, Paris, Fontemoing, 1900.
  3. Les Sélections sociales, p. 486.