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systématique, et c’est celle-là que notre savant compatriote s’est employé à préconiser de son mieux. Nous trouvons en lui un état d’âme assez convenable au darwinien convaincu qu’il est de longue date : celui d’un éleveur expérimenté du bétail qui appliquerait à l’humanité des méthodes d’amélioration consacrées par une longue expérience. On sait que les études anatomiques préliminaires d’où sortit jadis ce livre illustre, l’Origine des espèces, furent grandement facilitées à l’auteur par la perfection de l’élevage anglais, par le soin avec lequel y est établie de longue date la généalogie des reproducteurs de bonne race. Darwin dut beaucoup à la collaboration anonyme de ses concitoyens, si habiles à mettre en valeur les produits de leurs fermes-modèles : il vint tirer en quelque sorte les conclusions philosophiques de leurs très pratiques efforts d’agronomes. Après lui, des continuateurs plus audacieux portèrent sans tarder dans leurs considérations sur l’humanité cette morale d’étable ou de basse-cour à laquelle nous devons les beaux animaux du Yorkshire ou du Durham, et M. de Lapouge assure qu’au temps de l’esclavage sud-américain, certains éleveurs de chair noire avaient organisé de véritables haras humains « d’où est sortie la superbe race nègre créole. »

Il rêve d’appliquer demain des procédés de ce genre à l’humanité dans son ensemble. Il estime, en principe, que toute race humaine pure peut être amenée, par la sélection, à tel degré de perfection que l’on désire : « D’un groupe d’Australiens de race pure ou de Boschimans ou d’Esquimaux, il est, en soi, possible de faire sortir une humanité parfaite tout comme d’un groupe de purs Aryens blonds[1]. » Les chances de ces derniers ne consistent que « dans une avance naturelle d’un certain nombre de générations. » Néanmoins, il est sage de profiter d’une telle avance dès qu’elle existe, et puisque les Aryens, leurs sous-races et leurs métis, paraissent fournir actuellement par privilège les esprits de constitution supérieure, le type intellectuel à se proposer comme terme de la sélection sociale artificielle devra se confondre autant que possible avec le type aryen blond. Suggestion qui n’a pas été perdue pour les lecteurs d’outre-Rhin, comme nous allons le voir !

La sélection humaine systématique exige un double effort ; elle doit se faire tout à la fois négative et positive : négative en

  1. Les Elections sociales, p. 476.