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En religion, il est volontiers catholique. Il voit et favorise les intérêts de sa famille, mais l’étendue de sa patrie forme souvent pour la portée de sa vue un trop vaste horizon. S’il est intelligent, il accumule les idées plutôt qu’il n’en fabrique : laborieux, il a le travail peu intense ; s’il est économe, c’est qu’il ne sait pas regagner ce qu’il a perdu[1]. Tandis qu’on voit l’Aryen doué de cette solidarité agressive que montrent les chiens de meute au ferme du sanglier, « chacun poussant l’autre pour charger le premier et comptant sur ses compagnons pour l’aider s’il trouve trop de résistance, » l’Alpin ne connaît pour sa part que la solidarité du troupeau de moutons où chacun cherche à se cacher derrière le voisin.

Emporté par l’animosité qui se trahit déjà dans le portrait que nous venons de citer, M. de Lapouge va jusqu’à supposer que, vers l’âge de pierre, les Alpins vivaient dans les montagnes et dans les forêts à l’état presque simien, et furent tirés de leurs repaires pour servir de bêtes de somme aux Aryens. Ces derniers réalisèrent en quelque sorte le problème de la domestication du singe, et, pour résoudre à leur profit les questions sociales déjà posées vers ces temps lointains, ils bénéficièrent d’un élément qui nous manque, « un homme encore à l’état animal. » Or l’Alpin est resté, depuis ces humbles débuts dans l’histoire « le parfait esclave, le serf idéal, le sujet modèle, et, dans les républiques comme dans la nôtre, le sujet le mieux vu, puisqu’il tolère tous les abus de la force[2]. » Bien plus, « ces esclaves nés sont toujours à la recherche de maîtres quand ils ont perdu les leurs, instinct commun seulement dans la nature à l’Alpin brachycéphale et au chien ! » C’est sur ce ton passionné que l’admirateur des Aryens parle le plus souvent de leurs cohabitans sur le sol européen, de ces êtres « noirauds, courtauds, lourdauds » que leur médiocrité même protège. Et il a écrit quelque part, dans un élan de mépris indicible pour tout ce qui porte le caractère anthropologique du crâne large, marque distinctive à ses yeux de la race alpine : « I, ’Empire d’Orient finit plus mal encore (que l’empire romain d’Occident) ! Ses vainqueurs furent des brachycéphales ; les Turcs ! On ne cite point d’autre exemple d’une pareille chute[3]. »

  1. L’Aryen, p. 398 et les Sélections sociales, p. 11-18.
  2. L’Aryen, p. 233.
  3. Les Sélections sociales, p. 74.