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est de 1899. L’un et l’autre n’ont cessé depuis lors d’être le vade-mecum des germanistes les plus décidés d’outre-Rhin. Hier encore, à la veille de sa mort tragique, le docteur L. Woltmann, dont nous parlerons plus loin, dédiait à notre compatriote ses recherches sur l’influence de la race germanique dans le développement de la civilisation française, Die Germanen in Frankreich[1], et M. J.-L. Reimer, dont nous dirons également les vues intéressantes, écrivait de lui : « Ses œuvres sont d’une importance scientifique fondamentale pour l’étude du rôle historique et social du germanisme. On trouve chez lui l’affirmation la plus radicale de l’importance de la race germanique pour la culture européenne[2]. »

Avant d’exposer les raisons du succès de M. de Lapouge au-delà du Rhin, nous rendrons hommage à l’indépendance et à la parfaite sincérité de ses convictions. Il enseigne ce qu’il considère comme la vérité scientifique, sans arrière-pensée ni parti pris d’aucune sorte. Il n’a jamais exalté que l’Aryen ou l’Européen (Homo Europaeus), concept évidemment beaucoup plus large que celui de « Germain, » et il s’est parfois montré pour l’Allemagne moderne aussi dédaigneux qu’un Gobineau. Gardons-nous, écrit-il quelque part, de « nous laisser illusionner par la puissance apparente, mais éphémère, de petites nations comme l’Allemagne et la France[3] ! » Seulement, nos voisins ont vite oublié ses réserves, pour ne retenir de ses leçons que les traits propres à appuyer leur impérialisme mystique. Il y a cinquante ans, des philologues français tels que Renan protestaient déjà contre l’adjectif « indo-germanique » sans cesse employé au-delà du Rhin, là où la science française écrivait « indo-européen. » Par un empiétement analogue, les lecteurs teutons de M. de Lapouge se sont empressés de prononcer « Germains » partout où il écrivait lui-même Aryens ou Européens et d’identifier le plus possible ces Germains, favoris de la nature, avec les sujets actuels de l’empereur Guillaume II. De tout cela l’auteur des Sélections sociales ne saurait être rendu responsable : il mérite donc l’estime et la déférence de ceux-là mêmes que ses argumens n’ont pas convaincus.

Gobineau, sur la fin de sa vie, semblait considérer Darwin

  1. Iéna, Diederichs, 1907.
  2. Grundzuege deutscher Wiedergeburt, 1906.
  3. Les Sélections sociales, p. 482.