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du 31 août. L’accord du 30 juillet 1907 entre la Russie et le Japon, qui éloignait tout risque de guerre nouvelle entre les deux adversaires, la « déclaration » et l’« arrangement » du 10 juin de la même année, entre la France et le Japon, qui mettaient fin aux malentendus créés entre les deux pays par la guerre russo-japonaise, achèvent de donner au rapprochement anglo-russe toute sa portée. La tranquillité de l’Extrême-Orient et de l’Asie centrale assurée, tous les litiges africains liquidés, la Russie et la France devenaient libres de soucis extra-européens ; la Russie reprenait sa place dans la politique balkanique, où une crise nouvelle de la question d’Orient allait s’ouvrir.

La rivalité anglo-allemande, dans l’Europe d’aujourd’hui, nous le disions au début de ces pages, se mêle à tout pour tout envenimer et tout fausser. Au Maroc, si l’Allemagne paraît appuyer Moulaï-Halid, on en conclut aussitôt que Abd-el-Aziz est le sultan de la France, amie de l’Angleterre ; la mauvaise volonté de la chancellerie de Berlin ne cesse pas, dans l’empire chérifien, d’avertir la France que le conflit n’a pas été terminé par la Conférence d’Algésiras et qu’il reste latent. L’entente anglo-espagnole et l’entente franco-espagnole se manifestent, en mai 1907, par deux accords identiques garantissant le « statu quo territorial et les droits de chacun des trois peuples dans la Méditerranée et dans la partie de l’Atlantique qui baigne les côtes de l’Europe et de l’Afrique ; » aussitôt l’Allemagne négocie avec les puissances du Nord un accord de même nature relatif à la Baltique, mais la Russie, en refusant de céder ses droits sur les îles d’Aland, et l’Angleterre, en proposant d’étendre la négociation à la mer du Nord, enlèvent au projet primitif le caractère d’un succès pour la politique de Berlin. Le discours du baron d’Æhrenthal (27 janvier 1908) et l’affaire du chemin de fer du sandjak de Novi-Bazar provoquent la rupture de l’entente austro-russe qui, depuis 1897, maintenait le statu quo dans les Balkans ; les événemens d’octobre dernier trouvent les puissances groupées tout autrement qu’elles ne l’étaient dans les années précédentes, et c’est encore en fonction de la rivalité anglo-allemande que cet ordre nouveau s’est établi. La révolution turque de juillet 1908 a été déclenchée par la visite du roi Edouard au tsar à Reval, et pourtant, dès qu’elle a été accomplie, elle a été considérée, non sans raison, comme un succès pour la politique anglaise et un échec pour la diplomatie