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nous nous sommes établis là d’où, autrefois, la Hanse avait dû battre en retraite, parce que l’Empire n’était ni vivant ni fort. »

La conséquence de cette politique, c’est, en Europe, la paix. Sans la paix, pas d’expansion commerciale possible, pas d’acquisitions coloniales : « C’est pourquoi aujourd’hui le devoir de ma maison est d’encourager et de protéger le commerce, au sein d’une paix profonde, pendant de longues années. » Des débouchés pour le commerce, des colonies pour recevoir des émigrans allemands, des ports de relâche pour les flottes de commerce et de guerre, voilà d’abord ce que recherche la politique de Guillaume II. Mais elle a un idéal plus élevé, plus vaste, plus dangereux aussi. Un peuple victorieux, un peuple civilisé, illustre non seulement par ses armes, mais aussi par ses savans, ses philosophes, ses écrivains, ne peut se désintéresser de rien de ce qui se passe sur le globe ; partout il doit être le premier, et qui ne le reconnaîtrait pas s’expose à être « frappé de la dextre gantée de fer » de l’Allemand. Les victoires des hommes de l’époque héroïque lui ont assuré la suprématie européenne, mais ce n’est point assez ; c’est la suprématie « mondiale » qui doit appartenir à l’Empire : « Votre Altesse Royale[1] a pu se convaincre combien les flots de l’Océan heurtent avec violence à la porte de notre peuple et le forcent à revendiquer, comme un grand peuple, sa place dans le monde et à dire son mot dans la politique mondiale. L’Océan est indispensable à la grandeur de l’Allemagne. Mais l’Océan nous enseigne aussi que sur ses flots et sur ses plus lointains rivages, aucune grande décision ne peut plus être prise sans l’Allemagne et sans l’Empereur allemand. Je ne pense pas que ce soit pour se laisser exclure des grandes affaires extérieures qu’il y a trente ans notre peuple, conduit par ses princes, a vaincu et a versé son sang. Si le peuple allemand se laissait traiter ainsi, ce serait, et pour toujours, la fin de sa puissance mondiale ; et je ne veux pas qu’il puisse en arriver là. Employer pour l’empêcher les moyens convenables, au besoin même les moyens extrêmes, c’est mon devoir et mon plus beau privilège, et je suis convaincu que, le cas échéant, j’aurais derrière moi, énergiquement résolus à me suivre, tous les princes et tous les peuples de l’Allemagne. »

  1. Le prince Rupprecht de Bavière. — 4 juillet 1900, pour le baptême du cuirassé Wittelsbach.