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par les torpilles au-dessous de la flottaison, à changer une hélice du Tsarévitch, à faire en un mot toutes les réparations nécessaires. L’escadre russe fut remise en état et put retourner au combat. Ce qu’ont fait les Russes avec un outillage rudimentaire et des moyens de fortune, sur une rade bloquée et soumise au bombardement, nous pourrons le faire en toute sécurité, sur une rade qui ne saurait être bloquée, et d’autant plus facilement que nous nous y serons mieux préparés dès le temps de paix en dotant l’arsenal de Rochefort de tous les moyens d’action qui lui font actuellement défaut.

Supprimer Rochefort serait porter un coup funeste à la valeur de Brest : ce serait lui supprimer son soutien sur l’Atlantique. Or, nous l’avons déjà fait remarquer, Cherbourg, soutien unique de Brest sur la Manche, est situé géographiquement de telle façon que le chemin qui mène de l’un à l’autre de ces ports est sous le contrôle absolu de l’Angleterre par les îles anglo-normandes. De sorte que, en fin de compte, Rochefort supprimé, Brest ne pourrait plus compter sur aucun soutien sans l’agrément de l’Angleterre.

Mais qu’on ne s’y trompe pas. Même si l’arsenal de Rochefort est supprimé, ce sera malgré tout sur ses rades que viendront encore se réfugier les escadres qui ne pourront rentrer à Brest.

Elles y viendront parce que le littoral ne leur offre aucun autre point aussi propice, d’un accès aussi sûr et aussi bien défendu par les batteries de côtes réparties sur les îles environnantes.

Ce n’est pas seulement une appréciation personnelle que j’émets en disant qu’elles ne trouveront nulle part ailleurs un meilleur refuge. Etudiant la même question, l’amiral Aube disait : « De Brest à Rayonne il n’y a pas d’autre point que Rochefort. » Au sujet de l’importance des rades de Rochefort, les amiraux Laplace, Page, Gueydon, Maudet, Jurien de la Gravière, Bourgeois, Galiber, Rieunier, Puech, Pottier… ont professé la même opinion. « C’est celle de tous les préfets maritimes, sans exception, qui se sont succédé à Rochefort ; même des marins qui, avant d’y être allés, s’y étaient montrés d’abord peu favorables, comme l’amiral Jauréguiberry. » (Rapport Paul Deschanel, 1895.) Ainsi donc les escadres coupées de Brest viendront s’y réfugier par la force des choses. Elles y auront le